dimanche 22 septembre 2013

Carnet du Soldat Albert Rouquier.

Carnet du Soldat Albert Rouquier.

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Carnet du Soldat Albert Rouquier.

Chapitre I

Ce carnet du soldat Albert Rouquier a été écrit pendant l'année 1940. Les notes de bas de page on été prises en 1997.

3° RIA, 9° Compagnie, 32° Division

Le 4 Novembre 1938.

Hyère Var

Alpes. Nice

Alpes Breil.

Cabanes Vieilles1

Plan Cabane

Turini2

Pierra cava

Roquellière

Grange de Labrasque3

Lantosque

Plan du Var

Latour

St Jean la Rivière

Utelle

Touet sur Var

Beuil

Longuon

Grange de Vegnols4

Roubion.


Var

Puget-Theniers

Comps

Callas

Draguignan


Marne

Jivry en Argonne

Charmont

Vitry François

Bellencourt

Massy Palaiseau

Boudange


Moselle

Chateau Brehem

Val et Kersin

Nesvillier

Marianthal

Forgling

Cauclerin

Béric

Cros Tenquin5

Vacxi

Chateau Salin

Erdervillers


Haute Saone

Mélancourt

Anjeux

Bouligny

St Loup

Cuve


Oise

Chauny

Blanchi sous Pois

Crevecoeur

Conty

Clermont

Beauvois


Somme

Correpuis

Bacquencourt

Rouy le Grand

Rouy le Petit

Voyenne

Campagne

Caguy

Lassigny

Plessis le Roi


Oise

Noyon

Compiègne

Senlis

Fleurines

Verneuil

Chantilly

Givry Garguan

Boissis St Léger

Riz

Balencourt


Loire

Orleans

Sandillon


Loiret

Lamotte

Beuvron

Pithiviers

1-4-40 Moselle

Après avoir fait une assez longue et dure étape, partis de Cros Tenquin nous sommes arrivés à Vacxi le 1-4-40. Il commençait déjà à faire nuit. Aussitôt arrivé on va reconnaître le cantonnement et aussitôt il faut se deséquiper pour ensuite aller manger un peu de bouillon clair et un morceau de barbaque qui était plus ou moins bonne, mais déjà la faim commençait à se faire sentir, et à défaut d'autre chose de meilleur, il a fallu manger ce qu'on avait.

Le séjour à Vacxi a duré une semaine. Cela a déjà été une semaine de repos complet sans compter quelques maniements d'armes, ou du pas cadencé. Enfin bref, le lieutenant Laroude commandant de la 9° compagnie était en permission, il a été remplacé par le lieutenant Outran qui était très chic, ce qui nous permettait beaucoup de liberté. Presque tous les soirs avec quelques bons copains, on allait au bistro faire une belote, et on passait une heure bien agréable. C'est à Vacxi qu'on a pu constater qu'on était bien en France. Les gens étaient très gentils, et au moins ils parlaient Français ! Et pour ne pas changer, parfois on entendait les ronflements des avions ennemis qui passaient nous faire mettre en alerte, et aussitôt la D.C.A. se mettait à gronder !

Le 8-4-40 nous avons quitté avec regret le patelin de Vacxi pour aller embarquer à Château Salin, ce qui était assez intéressant c'est qu'on descendait au repos. Aussitôt arrivé à Château Salin, il a fallu embarquer mais comme d'habitude c'étaient des wagons à bestiaux qui étaient de 40 places et on y allait 60. Avant de partir on a touché un jour de vivres, une boite de singe à deux, une barre de chocolat et une boite de sardines ou du pâté qui était à moitié pourri. La journée a été assez intéressante, on contemplait le paysage. Quand on passait dans un patelin, les habitants venaient à notre rencontre nous faire des adieux. La nuit arrivait, il a fallu se coucher, mais sur le plancher des wagons recouvert de quelques pailles, on était plutôt assis que couché, parfois dans la nuit il y avait des bagarres.

Nous sommes arrivés le 9 vers dix heures du soir à la gare de destination Edervillers, Haute Saône. Aussitôt débarqué, il a fallu charger le matériel, et ensuite on s'est mis de nouveau en marche vers notre destination. En traversant le patelin, la Croix Rouge nous a offert un quart de vin chaud croyant nous donner beaucoup de forces pour marcher, mais au bout d'une demi-heure, il a fallu dégobiller. La nuit passait mais les kilomètres étaient de plus en plus longs. En chemin on a rencontré le premier patelin Corbenay. On l'a traversé dans l'obscurité à cause de la défense passive. En cours de route on est passé par St Loup, Bouligny, Cuve. Enfin nous sommes arrivés à Anjeux, notre destination. Il était 6 heures du matin. Les habitants commençaient déjà à se lever, et nous pleins de fatigue on allait se coucher !

Haute-Saône

Le repos: Ce fut un séjour d'un mois. C'était bien beau le repos! On n'entendait plus le grondement du canon, sauf la D.C.A. Et c'était le printemps, il faisait un beau soleil, on voyait pousser la verdure. Comme amusement on faisait de la culture physique et quelques bonnes parties de football. On avait déjà oublié qu'on était en guerre. Mais hélas, un beau jour, le 9-5-40, l'Allemagne a déclenché une grande offensive. Les permissions ont été suspendues. Le 10-5-40 on apprenait que la Hollande avait été envahie.

Le 17-5-40, ce fut le départ précipité de Anjeux. On est parti pour embarquer à cinq kilomètres. Les cars de Paris sont passés nous chercher. C'était bien avec regret qu'on quittait Anjeux, car on ignorait où on devait aller. Avant d'embarquer on a touché trois jours de vivres. Nous avons voyagé pendant deux jours et deux nuits.

Le 19 nous sommes arrivés à Chauny. On nous a fait mettre en batterie, soit disant que les engins blindes allemand arrivaient, mais c'était une fausse alerte, et on est reparti de nouveau en camion. A peine avoir fait deux kilomètres, c'est l'aviation ennemie qui est venue nous rendre visite. Alors pour la première fois nous avons été bombardés. Nous avons commencé par déguster 4 bombes qui sont tombées à 20 mètres de nous. Le chauffeur du car a été blessé ainsi que deux copains.

Le 21-5-40, nous sommes arrivés dans la foret de Crèvecoeur-Le Grassol où le village était en feu. En cours de route les réfugiés ont été bombardés. Un convoi d'artillerie a été englouti sous le bombardement. Nous avons vu des chevaux étendus par le milieu de la route. C'était affreux !

Le 22-5-40, nous sommes partis pour aller à Blanchi sous Pois, soit disant pour arrêter les engins ennemis, mais c'était une fausse alerte.

Le 24-5-40, nous sommes partis pour aller à Conty et Amiens où on devait contre attaquer le 25-5-40. Le canon ennemi commençait déjà à se faire entendre de près. Heureusement que les Sénégalais sont venus prendre notre place (bon contre ordre)6

Le 25-5-40, nous sommes repartis de Conty en direction de Clermont Beauvais. A Beauvais l'aviation ennemie est venue nous bombarder et nous mitrailler. Les balles ont traversé le capot du car. Une bombe est tombée sur le car qui était devant nous. Tout le monde était affolé, nous constatons qu'un copain a la cuisse traversée par une balle. C'était bien beau de voyager en car mais on rencontrait beaucoup d'ennemis. Nous avons continué sur Roye, Carrepuis (Somme) où nous avons passé la nuit.

Le 26-5-40, nous sommes repartis pour aller à Bacquencourt après avoir essuyé un gros orage en cours de route.

Le 27-5-40 nous avons changé de cantonnement pour aller coucher dans une cave, menacés que nous étions par l'artillerie ennemie.

Le 28-5-40, les affaires vont mal pour nous. A midi on nous distribue des grenades et le soir on va prendre position le long du canal de la Somme à Rouy le Grand. On relevait le 140ème RI. Le soir même il a fallu commencer à creuser des trous pour se camoufler.

Le 29-5-40, c'est assez tranquille, l'artillerie française tire sans cesse.

Le 30-5-40, il faut de nouveau changer de place et aller prendre position à 200 mètres en avant pour protéger la section de mitrailleuses. La nuit il a fallu travailler à faire un trou pour se cacher, et le jour on dormait dedans et on était parfois réveillé par les obus ennemis qui tombaient à coté de nous.

Le 31-5-40, le calme continuait à régner. On entendait quelques coups de fusils mais assez loin.

Comme nourriture, c'étaient quelques pommes de terre bouillies et un morceau de barbaque et une boule de pain à deux.

Le 1-6-40, toujours le calme.

Le 2-6-40, toujours le calme.

Le 3-6-40, nous sommes repérés par l'artillerie ennemie. Vers dix heures nous subissons un bombardement d'artillerie et l'aviation tournait au-dessus de l'abri.

Le 4-6-40, c'est toujours la même histoire et de plus en plus ça devenait inquiétant.

Le 5-6-40, on commence déjà à entendre quelques fusils mitrailleurs qui se déclenchaient. L'artillerie tirait à coups redoublés.

Le 6-6-40, les Allemands lancent l'offensive. Ils passent le canal. Plusieurs éléments allemands s'infiltrent jusqu'à Rouy le Petit où était le P.C. de la compagnie. La 11 ème compagnie qui était à Voyenne arrête de résister à l'attaque ennemie. Des chars d'assaut et des autos mitrailleuses commencent déjà à sauter le canal de la Somme. Et le soir, la plupart des gars de la 11 ème compagnie sont faits prisonniers ou tués.

Dans la nuit du 6 au 7, on entend sans cesse nos fusils mitrailleurs qui tiraient. Les mitraillettes allemandes tiraient de tous les cotés. Notre artillerie ne tirait déjà plus, car deux pièces avaient éclaté en blessant sur le terrain le tireur de la pièce. On attendait avec impatience l'ordre de repli car les boches approchaient et on se voyait sans défense. Enfin vers deux heures l'agent de transmission vient nous apporter l'ordre de se replier tout de suite car on était encerclé. Nous nous replions en direction de Noyon et vers midi nous rejoignons la division. Le 140 et le 141 étaient dans un bois. Il a fallu se mettre de nouveau en position. L'aviation ennemie passait et repassait en grand groupe. Elle bombardait les villages. Ils mitraillaient. Le 77 de plus en plus s'approchait. Notre artillerie ne tirait plus.

Le soir vers 6 heures nous recevons l'ordre de nous replier de nouveau. On avait une vingtaine d'avions qui nous survolaient mais il fallait partir quand même sinon on était fait prisonnier. Après avoir fait deux kilomètres, tout à coup on entend la détonation d'une mitrailleuse boche qui nous tirait dessus. Nous nous mettons aussitôt dans le fossé. Les balles perforantes passaient au-dessus de nos têtes, par les cotés, partout. En rampant, on réussit à faire 500 mètres pour pouvoir sauter dans le canal du Nord. Aussitôt passés, ils ont fait sauter le pont. On y a laissé quelques morts et quelques blessés. Nous passons à Campagne. On voyait un convoi d'artillerie presque anéanti. C'était un vrai carnage. On est passé par Campagne, Caguy, Lassigny, Plessis le Roi. Tous ces villages étaient en feu. C'était un vrai carnage.

Nous arrivons dans une forêt de Plessis le Roi. Là je perds mon régiment. Avec deux copains nous partons en direction de Compiègne. Arrivés à une certaine distance, on nous apprend que les Allemands étaient déjà à Compiègne. Et toujours le hurlement du canon boche nous suivait. Aussitôt après avoir appris cela, nous changeons de direction. Nous partons en direction de Clermont grâce à une carte pour nous diriger. En cours de route, on a arrêté un camion du génie qui nous a emmené jusqu'à Senlis. Là on nous apprend que la division devait se regrouper à Senlis.

Nous couchons à Senlis et le 9 au matin nous voyons passer l'état major du 3° RIA. Nous rejoignons notre compagnie.

Le 10-6-40, nous repartons pour aller prendre de nouveau position sur le bord de l'Oise. Nous avons passé la journée à Fleurines.

Le 11-6-40, nous partons pour aller prendre position à Verneuil sur le bord de l'Oise. Vers les trois heures du soir, des éléments motorisés commencent à venir faire une patrouille. Deux allemands en moto sont tués sur le bord de la rivière. Peu de temps après une auto mitrailleuse sort de la forêt d'en face. Nos fusils mitrailleurs et mitrailleuses lui tirent dessus et l'obligent à rentrer de nouveau dans la forêt. Des coups de fusil ennemis ont commencé à se faire entendre. Parfois quelques balles sifflaient autour de nos oreilles. Mais les boches avaient déjà passé la rivière en certains endroits et tentaient de nous encercler. Vers les dix heures, nous recevons l'ordre de nous replier de nouveau pour la troisième fois. En cours de route on voyait des fusées de tous les cotés. On se croyait complètement encerclé. La chance nous a permis de trouver le bon passage. Le régiment a laissé à Verneuil 3 chenillettes et tous les mulets. Nous continuons à faire notre repli. Nous allons à la forêt de Chantilly. Nous y passons toute la journée du 12. Notre artillerie avait repris son tir pour ralentir l'avance rapide des boches. Le soir nous allons prendre de nouveau position à Chantilly. Là pendant la nuit, nous avons été bombardés par l'artillerie ennemie.

Le 12-6-40, on travaille à faire des trous pour se cacher car de temps en temps on recevait la visite de quelques obus boches. A Chantilly, on a eu l'occasion de déguster quelques bonnes bouteilles de vin bouchonnées. Voilà la journée passée, à 9 heures du soir l'ordre de repli arrive de nouveau « et toujours des replis stratégiques » Après avoir marché toute la nuit, nous arrivons le matin du 13-6-40 à Givry-Garguan. Nous y passons toute la journée sous un beau soleil d'été. Mais le soir le canon commence à se faire entendre et la bagarre continuait toujours au devant de nous. Le soir venu, vers 8 heures, nous recevons l'ordre de repli !

Le 13-6-40, nous continuons toujours notre repli sur Boissy St Léger. Nous y passons toute la journée. Et toujours pour ne pas changer la tactique de la guerre, il fallait se mettre de nouveau en batterie. Mais la nuit venue, nous continuons toujours notre repli stratégique.

Le 14-6-40, nous arrivons à Riz. Nous y passons toute la journée, et puis la nuit nous continuons toujours notre repli.

Le 15-6-40, nous avons embarqué à Balencourt. Nous avons voyagé du 15 jusqu'au 16 à midi. Nous arrivons à Orléans pour débarquer. L'aviation italienne est venue bombarder la ville et a fait beaucoup de victimes parmi la population civile et militaire. Nous avons traversé toute la ville et nous avons pu remarquer l'épouvantable désastre. Les maisons étaient en feu. Au moment où on traversait le pont sur la Loire, deux autos mitrailleuses sont passées sur un pont d'en face et aussitôt les français ont fait sauter le pont et j'espère que les deux engins sont tombés dans l'eau7

Le 17-6-40, nous arrivons à Sandillon. On a couché dans un bois. Et puis le 18 au matin on va au village prendre position. Vers les dix heures arrive un groupe d'allemands en vélo. Le premier poste avancé est fait prisonnier, puis ils s'en vont en tirant quelques rafales de mitraillettes. Aussitôt on s'est mis tous en alerte. L'agent de liaison vient chercher parmi la section un groupe et j'étais du nombre pour remplacer le groupe fait prisonnier. Notre artillerie tirait sans cesse. Vers les 7 heures du soir, on voit arriver sur la route dix autos et quelques autos mitrailleuses ennemies. Aussitôt l'alerte donnée, ce fut une bagarre acharnée. On voyait partout des fusées blanches. L'artillerie tirait sur le village. Les premières maisons étaient en feu. Le autos mitrailleuses tiraient de tous les cotés sans pouvoir lever la tête. Enfin la nuit venue, nous sommes obligés de continuer notre repli. Et comme d'habitude, nous marchions toute la nuit.

Le 19, vers 8 heures du matin, on est arrivé à la Motte Beuvron, Loir et Cher. On n'est pas sorti du village qu'on entend des cris. Des boches sont là. Tout le monde est tout ému. On voit arriver une colonne motorisée portant le drapeau blanc et s'écriant: « Français déposez vos armes, la guerre est finie ». A ces paroles on a posé les armes, on a jeté toutes les munitions d'un coté et de l'autre les équipements. Des allemands, avec joie mais ayant un peu de colère, ont pris nos armes et les ont cassées en morceaux devant nous. Et maintenant nous sommes prisonniers. Voilà la nouvelle vie qui commence sous le régime de Adolf Hitler.

La vie de prisonnier décrite jour par jour.

Le 20-6-40, nous partons de la Motte Beuvron pour aller à Orléans, mais hélas c'était toujours des kilomètres à pied qu'il fallait faire. Nous avons fait les 5 kilomètres la Motte Beuvron Orléans avec un quart de boite de singe qui nous restait de la veille. Mais on marchait quand même avec de l'espoir car pour nous la guerre était finie, et nous avions l'espoir d'être libéré sous peu.

En cours de route les civils nous regardaient passer en nous offrant un verre d'eau, parfois ils nous donnaient un petit bout de pain. Le soir on arrive à Orléans plein de fatigue. On nous emmène dans la cour de la caserne comme un troupeau de moutons dans un parc. On s'est couché sur le pavé sans rien toucher pour manger, et il a fallu se serrer la ceinture encore d'un trou de plus et s'endormir ainsi.

Le 21-6-40, étape d'Orléans-Pithiviers, soit 48 kilomètres. Le matin nous avons le réveil à 3 heures; le départ était à 8 heures. Pendant ce temps, nous en avons profité pour aller piller la cantine, principalement pour trouver quelque chose à manger car la faim tenaillait notre estomac. Ensuite on touche un quart de bouillon clair, un kilo de pain à quatre et un bout de fromage, tout ça pour faire 48 kilomètres. A huit heures, nous voilà en route encadrés par quelques allemands, mais eux marchaient en vélo. Si en cours de route quelqu'un d'un peu fatigué voulait s'arrêter, les allemands se mettaient à aboyer et sortaient le revolver. Quand on passait dans un patelin, on essayait d'aller faire un tour dans les caves pour essayer de déguster quelques bouteilles de vin. Quand on passait le long d'un jardin, on essayait de prendre quelques carottes que l'on mangeait crues, ou quelques oignons pour apaiser un peu la faim. Nous arrivons à Pithiviers sous une pluie battante. On nous emmène coucher dans une usine de sucreries. Il a fallu se coucher à moitié mouillés et en se serrant la ceinture encore d'un trou de plus.

Le 22-6-40, nous changeons de cantonnement. On est cantonné dans un dépôt d'usine. Alors c'est la vie de clochard qui commence. Chacun va piller les jardins pour pouvoir trouver quelques pommes de terre pour essayer de faire une soupe sans graisse, mais elle était très bonne.

Le 23-6-40, on disait déjà que c'était la vie de caserne qui va recommencer: le matin rassemblement de la compagnie et appel pour vérifier les disparus, et ensuite nettoyer les cantonnements. A midi on a touché un demi-quart de chocolat qui était passable et quelques biscuits de guerre et le soir autant. Les parcelles de légumes des jardins étaient épuisées. Avec quelques civils qui venaient nous voir à la grille on essayait d'avoir un bout de pain et parfois on se disputait.

Le 24-6-40, c'est toujours la vie du prisonnier français qui continue, mal logé, mal nourri, mal habillé. Tous les matins on a un quart de café ou de thé. Comme travail quelques petites corvées ou une partie de belote.

Le 25-6-40, comme les jours précédents la nourriture s'était améliorée un peu, un petit bout de viande pour chacun, si petit que la moitié restait entre les dents.

Le 26-6-40, Ca fait déjà une semaine, on commence à comprendre ce que c'est d'être prisonnier et on se demande si ça va durer longtemps. On entend des bobards, le 15 on devrait être démobilisé. Le 15 arrive et on est toujours là. Alors maintenant c'est pour une date ultérieure. D'ailleurs c'est notre occupation d'apprendre des nouvelles plutôt mauvaises que vraies et d'en lancer aussi. Maintenant la libération est prévue pour le 26 Juillet. Ca donne déjà un peu de courage d'entendre ces nouvelles surtout que les jours deviennent de plus en plus longs. On s'ennuie de rester couchés. Si peu qu'on fasse on est fatigué. Pendant cette semaine, j'ai fait quelques bonnes affaires. J'ai acheté une montre en argent à un copain qui était fauché, je la lui ai achetée 50 francs. Le lendemain je l'ai changée avec celle d'un autre copain qui était fauché, sur l'échange je lui ai rendu 65 francs. Cette montre m'est revenue à 110 francs. Je la monte toute les semaines et elle marche très bien. Nous arrivons au 26 et nous sommes toujours là. Maintenant on n'a plus confiance à tous ces bobards. Maintenant on reçoit quelques lettres, et j'attends avec impatience un colis pour améliorer notre nourriture. Tous les jours ils démobilisent des gens de la région sur présentation d'un certificat. Ils demandent beaucoup de cultivateurs pour aller travailler dans les fermes, mais je n'ai pas cette chance. Maintenant la libération est prévue avant le 15 Août et on attend tous les jours, avec impatience, d'arriver au jour ou nous serons libérés.

Partie écrite au crayon

Tenaillés par la faim et la soif, exténués par quarante deux kilomètres de marche, Pithiviers nous apparu un soir de Juin. Au terme de la guerre éclair et de ces marches anciens ..... du ministère des pensions. Deux vastes hangars abritent six mille prisonniers. Plusieurs bouches d'eau pour nos ablutions, nous font regretter le confort de nos foyers. Dans cet hôtel de courants d'air, sur la paille couchés à l'abri de la pluie mais non de la vermine.

Nos soldats de la Somme passent leurs veillées, attendant que leur détention se termine.

Pour manger le système a été simplifié:

De la farine, du sel, du sucre et de l'eau, avec de la viande en petite quantité.

Le menu nous fait bondir quand on crie « au rabiot »

Les rares distractions venaient nous égayer. Aussitôt annoncées sont vite supprimées. La voie ferrée nous permet de cuisiner d'excellentes soupes et délicieuses ......

Héros de la guerre éclair, soldats disciplinés,

Attendons prisonniers la grande liberté.

12/7/40

Une bonne recette de cuisine

Les hommes sont à ce point de vue si difficiles que bien souvent ils ne savent pas ce qu'ils veulent.

A ceux qui se fâchent de leur viande trop saignante ou trop cuite, de leur couvert mal mis, je veux dédier une bonne recette de cuisine.

Prenez un litre d'eau que vous ferez bouillir. Délayez dans un bol avec 1 litre d'eau froide, 60 grammes de farine que vous verserez dans l'eau, arrivée à ébullition, ajoutez un peu de relet « servez bien chaud »

Un bon dessert finit toujours un bon repas, surtout quand celui-ci a été la soupe précisée.

Pour ce bon dessert, prenez un litre d'eau que vous ferez bouillir. Délayer dans un bol avec un quart de litre d'eau 125 grammes de farine que vous verserez dans l'eau arrivée à ébullition. Ajoutez 100 grammes de farine et vous aurez un dessert délicieux et reconstituant.

Pour ajouter à la saveur de ces plats, il est surtout recommandé aux amateurs de bonne chère de rester sans manger pendant 8 heures.

Vous trouverez ces plats délicieux entièrement gratuits au camp de Pithiviers! Qu'on se le dise !

La vie des prisonniers est monotone et sans joie. Comment l'agrémenter ?

C'est chose peu facile! Cependant un aimable lieutenant, prêtre dans le civil, a eu la généreuse idée de créer après le repas du soir et jusqu'à l'extinction des feux, quelques fois dans la semaine de petites séances récréatives au cours des quelles des musiciens de talent, fantaisistes amateurs, chanteurs et comiques se succèdent pour notre plus grand plaisir. Il y a aussi pour certains le jeu du bouchon, jeu d'enfants certes, mais qui font malgré tout passer un moment. La lecture n'est pas facile malgré le désir évident de chacun, les livres étant fort rares. La confection de petits plats individuels grâce au pauvre approvisionnement recueilli de la ville, cuits tout le long de la voie ferrée, et c'est un passe temps intéressant et profitable.

Nous nous garderons bien d'oublier les longues parties de cartes: Belote, jacher, bourre, etc. .. autour des tables, devant la porte, sur le gazon asséché ou sur la paille émiettée de nos peu confortables lits. Les racontars, les bobards trop facilement lancés constituent une distraction plutôt fatiguante. Reste la promenade, les belles promenades tout autour du camp le soir à la tombée de la nuit, pendant lesquelles on rêve à ceux qui sont loin de nous et que nous reverrons sans doute un jour prochain .....

« un prisonnier »

Un dimanche au camp

Semaine, Dimanche, tous les jours se succèdent avec la même monotonie dans l'enceinte de ce camp où grouillent plus de 6000 prisonniers.

La grasse matinée qui constituait un des bons agréments des Dimanches est faite ici presque tous les jours. Le premier geste significatif du Dimanche est la messe célébrée dans le calme, le recueillement les plus complets harmonieusement chantée par deux choeurs volontaires. Grande dans sa simplicité ! Elle rassemble beaucoup de soldats qui tête nue se recueillent en pensant qu'à la même heure ce jour là dans une petite église de village où dans une grandiose cathédrale de grande ville leurs femmes, leurs mères ou leurs enfants priaient pour eux. Cette messe et le sermon du prêtre apportaient à tous un peu de réconfort et de courage.

La soirée du Dimanche est agrémentée par un petit concert admirablement préparé et organisé. Plein de verbe et d'entrain, un lieutenant remplissant les fonctions de régisseur conduit sur la scène une suite ininterrompue de duettistes, musiciens de talent, comiques endiablés, chanteurs à voix, fantaisistes amateurs qui nous ramènent par leurs chansons réalistes ou leurs monologues vers notre beau ciel du midi. C'est au cours d'un de ces concerts que fut créé par nous et pour nous cette chanson sur l'air des Frères Jacques:

Tous les types prisonniers quitteront bien vite Pithiviers.

En attendant les Dimanches se suivent et se ressemblent. La libération n'arrive pas, Sombres Dimanches !

Un discours de bienvenue

Rassemblement pour le rapport. Le 9° bataillon se réunit autour de l'adjudant chef Mas, le plus haut gradé du bataillon. Aussitôt après , le bataillon désemparé se figeait dans un garde à vous impeccable pour recevoir son nouveau chef de bataillon et son capitaine du régiment, les deux au 6 B-C-A (Chasseurs Alpins). Ce dernier prononça alors un bref discours que je vais essayer d'analyser et non de transcrire.

Vos officiers sont partis, votre régiment est mal noté par les autorités allemandes. Les cantonnements sont sales et mal organisés. Vous n'êtes nullement disciplinés: je vais essayer de redresser tout cela. Je n'ai pas trop de moyens pour me faire obéir, mais bien que je préfère que toutes les querelles soient traitées entre Français, si vous m'y obligez, je créerai une section ou une compagnie disciplinaire que je conduirai au Lieutenant Allemand. Moi je m'en fiche. La libération, n'y comptons pas avant la signature du traité de paix! aucune illusion à avoir à ce sujet. Les bobards qui circulent n'ont aucune valeur. Résignez vous, à vous de choisir entre la discipline et la force! La France est battue et rebattue, elle est complètement à plat. Vous n'y pouvez rien. Si vous voulez lutter, essayez , vous serez matés! Le 3° pourrait bien l'être. Si vous continuez à être aussi indisciplinés, envoyés en Allemagne! A vous de choisir.

Ce thème fut plusieurs fois développé avec une voix sèche, antipathique, cinglante pour nous et les officiers de notre régiment. Discours bien maladroit adressé à des prisonniers, certes! mais à des soldats qui se sont bien battus et qui mériteraient plus de sympathie de la part d'un officier Français. L'impression pénible laissée aux gars du 3° RIA par leur nouveau Commandant aura bien du mal à se dissiper; et ils regretterons encore davantage le Commandant Pochot et les autres officiers du 3° RIA.

Un repas au camp

Midi sonné, l'heure du repas approche et déjà deux hommes, un seau à la main, vont aux cuisines. Ils attendent leur tour, tandis que dans leurs plats, là bas, leurs amis coupent le pain en tranches fines.

« La soupe arrive » les bavardages cessent vite. Chacun le plat à la main attend sur la paille, les yeux rivés au seau, qu'avec le même rite, la soupe distribuée arrête celui qui baille.

Un breuvage d'eau, de sel, de pain et de farine, très peu de riz autour d'un maigre bout de viande, un morceau de pain qui fait crier famine, constituent le repas de toute notre bande. Rien d'étonnant alors qu'un mince filet d'eau, quelques grammes de riz accompagnées de sauce nous fassent tous bondir au moment du « rabiot » et traiter les plus avantagés de « rosses ».

La soupe va finir! Quelques gorgées d'eau complètent et terminent ce beau repas de gourmet. Et nous attendons que la quille vienne bientôt de bons repas remplir nos estomacs affamés.

Souvenir des monotones et mornes journées passées à Pithiviers en pensant à l'heureux temps de jadis, aux heureuses journées où rien ne pouvait nous contenter. Hélas, que nous voudrions les avoir maintenant.

La grille et le pain d'épices

Le long d'une grille, des prisonniers étaient entassés; ils attendaient ainsi, par la faim creusés qu'une âme charitablement vienne à leur service. Une femme Vendeuse arriva avec du pain d'épices.

La ruée! Quelle ruée! Les pains se vendaient bien et faisaient sans doute aux prisonniers tant de bien, que chaque jour, tôt, la bousculade recommençait et qu'à chaque instant la foule des clients s'enflait.

Un jour, cependant, par listes annoncées, de volumineuses boites, à eux furent livrées, tout alla plutôt vite, mais la ruée persista tant et tant que la petite grille céda. Les représailles commencèrent aussitôt, et le long de la grille, la discipline bientôt. Au portail mena les acheteurs un par un et la vendeuse eut un paquet pour chacun. La vente des pains d'épices eut durée longtemps, si la patience des chefs n'avait pas eu un temps. Mais un matin, hélas, la vente fut supprimée, parce que par nous la grille se trouvait abîmée.

On risque de tout perdre en voulant trop gagner,

Un autre barbelé est là pour le prouver

Le discours du Commandant Pochot

Depuis quelques heures déjà nous savons tous que les officiers du régiment doivent nous quitter en fin de journée. Vers 19h30, un long coup de sifflet au milieu du hangar nous annonce que l'heure est arrivée. « Mes chers amis » et tout le monde se serre, se groupe, se tasse autour du Commandant Pochot., L'aimé du régiment, d'une voix qu'il s'efforce d'affirmer en la gromissant, terriblement ému et les yeux pleins de larmes, la gorge contractée, Le Commandant commence:

Mes chers amis, vos officiers, les officiers de votre régiment vous quittent. Le commandement allemand vous les enlève sans doute pour deux raisons.

1°) Ils ont trop crié contre la nourriture qui vous est donnée. Pour ma part, je leur ai dit: Si nous sommes vaincus, nous avons été vainqueurs en 18 et vos prisonniers avaient autre chose à manger qu'un breuvage d'eau et de farine, seulement capable de nous empêcher de mourir.

2°) Quatre de nos officiers se sont évadés! Que peut-on leur reprocher? Uniquement la façon maladroite dont ils ont opéré. Le fait est là! Nous n'y pouvons rien! D'autres officiers par Bo nous commandèrent, et ils sont navrés de ce qui leur arrive.

Je leur ai dit que nous avions beau être du Midi, de Marseille et de Toulon, nous n'étions pas des gangsters, mais des soldats. J'ai eu une certaine appréhension en prenant votre commandement en 1935. Je l'ai bien regretté depuis, et surtout depuis les 5 et 6 Juin, où je vous ai vu au feu, vous battant comme des lions. Nous ne sommes pas des divisions de fer, nous ne bouffons pas le ciaouye, mais au feu nous ne craignons personne. Et enfin, il faut se séparer. Prenons patience. Ne vous révoltez pas car l'ennemi d'hier, gardiens d'aujourd'hui n'attendent que cette occasion pour vous tirer dessus. Soyez calmes. Je ne vous dis pas « adieu mes chers amis, mais au revoir pour tous les officiers du régiment ».

Un tonnerre d'applaudissements salua ce paroles et ne cessa que lorsque le commandant Pochot eut disparu

Un réveil au camp

Dès que le jour arrive, chacun la capote sur la tête, se remue, s'étire et attend patiemment qu'une âme dévouée se lève pour aller chercher le café.

Pendant un court instant on se rendort en rêvant ... « Au jus là dedans! » et péniblement une à une les têtes échevelées émergent de la paille et des couvertures, et tendant l'assiette, le quart ou le petit pot, chacun attend que le café arrive jusqu'à lui. Certains s'impatientent même et leur part servie réclament aussitôt un peu de rabiot. Vite avalé, ce breuvage bien chaud dans lequel certains trempent un peu de pain. Les voilà ! les gars du 3°, replongeant leur tête dans la capote, se remettant à ronfler, et ils dorment. Ils ne dorment pas parce qu'ils ont sommeil mais pour que le temps passe plus vite et que leurs estomacs crient moins famine.

Les heures passent ... un à un chacun se lève, chasse ses poux, la serviette autour du coup, le bidon à la main va se débarbouiller.

Les réveils individuels et facultatifs ont succédé au réveil du clairon, suivi d'appels plus ou moins fantaisistes. La journée commence ... monotone ....comme les autres.

Vive le soir qu'on se couche.

Chanson sur les prisonniers

Sur l'air de « Il était un petit navire »


Il était un jeune militaire

Qui un jour fut-fut-fut fait prisonnier. Ohé! Ohé


On le logea au ministère,

Sous le beau ciel bleu-bleu-bleu de Pithiviers. Ohé! Ohé


Au bout de la première semaine,

Les vivres Vin-Vin-vinrent à manquer. Ohé! Ohé


On dut alors serrer ceinture,

Pour empêcher les cu-cu-culottes de tomber. Ohé! Ohé


On ne tira pas la courte paille,

Car il la fallait tou-tou-toute pour se coucher. Ohé! Ohé


La morale de cette histoire,

Vous l'avez déjà devinée. Ohé! Ohé


C'est qu'être prisonnier de guerre,

Est ma fois un-un-un fichu métier. Ohé! Ohé

Chapitre II

Ici figurent les anecdotes que j'ai notées en 1997. Elle complètent le carnet d'Albert. (Gabriel)

1940-1945 Captivité

Nous sommes restés deux mois à Pithiviers8. Apres nous sommes partis directement pour l'Allemagne en wagons à bestiaux. Le voyage a duré deux jours. Nous sommes arrivé au camp de 7A à Mhosbourg qui se trouvait à 50 Km de Munich.. Nous y sommes resté huit jours. On a essayé de rester groupé.

Le maire de BAYRISCHZELL: M le Bourgmaster est venu chercher des prisonniers pour travailler dans l'agriculture. Il en fallait 12. Notre groupe a été choisi. « Vous allez dans le pays le plus beau de l'Allemagne » nous a t-il dit. Il parlait un peu français. Bayrischzell est une station d'altitude qui se trouve dans le Tyrol Bavarois à 5 km de la frontière d'Autriche.

Nous sommes arrivés en Automne, au mois de Septembre 1940. Nous avons été mis sous les ordres d'un chef cantonnier surnommé « Coucoumos » qui était responsable de l'entretien de la commune. On y a passé l'hiver 40-41 qui a été très froid. Nous allions déneiger les chemins, les portes des maisons. Une fois, j'étais chargé de déneiger devant la Mairie. J'étais mal chaussé et il faisait -25° ou -30°. Je faisais des sauts pour me réchauffer devant la mairie. Dès fois, pour se réchauffer, le chef nous faisait passer devant les chaudières d'un hôtel. Il était brave.

Une fois moi et Cros on est allé aider un entrepreneur de maçonnerie. Un mur s'était effondré. Il fallait combler le remblai. Chacun avait sa brouette mais cela n'allait pas vite car on avait froid. L'entrepreneur nous a amené des grands sandwiches. Le rendement était meilleur, l'entrepreneur était content. Après l'épreuve de Pithiviers puis le froid on n'était pas en grande forme.

J'ai fait plusieurs places. Je me suis occupé du chauffage central d'un hôtel de Bayrischzell. On logeait dans une annexe de hôtel Wendelstein. On était quatre par chambre en lits superposés. La sentinelle couchait avec nous. Le soir il fermait à clé. Il nous accompagnait au travail. On passait devant un thermomètre: -25 °C pas trop froid! -30 °C les poils de nez gelaient, les oreilles piquaient! On était un groupe de prisonniers qui déjeunions dans cet hôtel: un peu de pain sec et du lait. Dans la cave de hôtel il y avait du beurre. Nous on recevait des colis américains destinés aux prisonniers dans lesquels il y avait des boites de margarine. J'avais fait un passe partout et je piquais un pain de beurre à la cave de temps en temps. Pour que cela passe inaperçu on remplissait la boite de beurre avec de la marguerine. Une fois on fait goûter la marguerine américaine à la patronne: « Mais elle est aussi bonne que notre beurre! » dit-elle. Il y avait aussi la boucherie de hôtel. On avait fait trois passes: la cave, le sous-sol et la boucherie. Des fois je coupais une tranche de viande dans le noir. Quand il y avait un coup à faire, les copains s'adressaient à moi, mais c 'était assez risqué. Il y avait aussi une cave à vins. A la fin de la guerre les allemands voulaient la déménager en lieu sûr. On était chargé de mettre les bouteilles sur des chariots. Il y a avait à coté un gros tas de pommes de terres. Je piquais une bouteille de temps en temps et la cachait dans les patates. Ce soir là on avait 60 bouteilles de bon vin français.

Je suis resté une paire de mois à cette place. J'ai été chez un charpentier aussi, un jardinier, un hôpital qui avait une paire de chevaux.

Apres je suis resté deux ans dans une ferme qui se trouvait dans la montagne « Oschrut ». Tous les soirs je descendais par un sentier qui menait tout droit au commando (annexe de hôtel) pour aller dormir. Le matin j'avais du mal à remonter à cause de la neige. Alors le patron venait m'attendre avec une paire de skis.

Neige de Toussaint au mois d'Avril: Les couches de neiges tassées étaient dures comme du roc. L'hiver les allemands en profitaient pour faire des coupes de bois avec des chevaux (photo avec les deux enfants). Apres un temps j'en ai eu marre et j'ai demandé à changer.

Alors j'ai été dans une autre ferme qui se trouvait plus près du commando. J'y suis resté deux ans jusqu'à la fin de la guerre. Là j'ai dressé deux juments. Il avaient gardé deux poulains pour les dresser. Je prenais la jument et son poulain ensemble jusqu'à ce qu'il soit dressé. Apres j'ai pris les deux poulains ensemble et j'ai vu qu'ils étaient bien dressés. Apres ils ont tué les deux vieux chevaux. On allait couper du bois à 5 km de la ferme en Autriche. Il n'y avait pas de frontière.

Une autre fois, vers la fin de la Guerre, avec un copain de Bordeaux on a été en Autriche dans un village à 20 km de Bayrischzell. Un dimanche sans rien dire à personne, habillés en civil, on est parti avec un vélo chacun. A l'entrée du village, dans un café plein d'Allemands, on demande un coup de rouge. On en a bu deux et on est vite reparti. On faisait des randonnées à pied dans la montagne.

Les américains sont arrivés à Bayrischzell le 4 Mai 1945 sans tirer un coup de fusil. On est allé au devant d'eux. Les américains demandaient: « Savez pas ou on peut trouver du vin ? ». Le patron disait «on n'a pas de vin ». Les américains faisaient semblant de tirer. Ils ont eu tout le vin qu'ils ont voulu.

Les allemands avaient tout abandonné. Il y avait un camion presque neuf avec la clé dessus, du carburant, etc. ... Il y avait aussi une belle berline. Le 6 Mai on part dans le camion et la berline. Les Allemands nous arrêtent un peu plus loin. Ils laissent passer le camion mais pas la voiture. Apres 48 heures de voyage, on est arrivé le 8 Mai 1945 au centre de rapatriement de Colmar. On a droit à une visite médicale et à des soins.

On a pris le train pour coucher à Paris dans un cinéma désaffecté. On a été pris en charge par d'autres centres de rapatriements. A Limoges, des civils nous informent que le village d'Ouradour/Glane avait été horriblement détruit. On était gonflé à bloc. Les civils nous demandaient de les venger.

En arrivant à la gare de St Christophe, on se retrouve avec un voisin de Farrebique. Le chef de gare téléphone à Goutrens pour demander au petit car de venir nous chercher. En arrivant à Goutrens, on me dit « tu sais que Georges fait un film? » et « tu sais que ce matin un petit est né à 5h du matin » (Maurice Rouquier né le 09/05/1945). Je suis arrivé à Goutrens le 9 Mai 1945 vers les 11h00. Le plus que ça m'a fait, c'est que personne ne m'avait rien dit au sujet du film. C'était ma tante Marie qui m'écrivait et on ne m'avait rien dit. Elle m'écrivait deux fois par mois. Elle m'envoyait du chocolat car les Allemands en étaient friands. Une fois j'ai changé une bonne paire de chaussures de ski contre 2 tablettes.

Apres Georges, il m'a dit:  «toi, on peut pas te donner un rôle principal. On va te mettre comme figurant. » C'était la saison des travaux: rentrer le foin, le blé. « Je vais leur payer deux prisonniers Allemands, tu les commanderas, comme ça les autres seront plus libres pour le film ». Les prisonniers Allemands étaient jeunes 18/19 ans. Un était gentil, il s'appelait Joseph. L'autre était un têtu qui ne voulait pas travailler. .

Un jour Berthe me dit « il me semble qu'il me manque un jambon ». Les Allemands mangeaient comme nous , avec nous à la table. Un jour, on les avait envoyé sarcler dans un champ en dessous de la ferme. Armé d'un bâton je leur dit en allemand « A la maison, tout de suite! » Je demande à Joseph qui avait pris le jambon. L'autre l'avait caché sous le lit. Apres je suis parti de Farrebique. Joseph est encore resté pendant 4 ans. Il est revenu les voir en 1990, boucher de son état, avec toute sa famille. Mon frère Roch était paralysé. Ils auraient du me le dire, j'aurais été content de le revoir

Albert Rouquier
Chapitre III

Les chasseurs alpins pendant la deuxième guerre mondiale

Defilé à Nice

Les camps pendant la Seconde Guerre mondiale


Pendant la Seconde Guerre mondiale, le département du Loiret eut le triste privilège d’accueillir des camps à Pithiviers, Beaune-la-Rolande et Jargeau.9


A Pithiviers et à Beaune-la-Rolande, des locaux existants ou des terrains aménagés avec des baraquements avaient été prévus pour, initialement, regrouper des prisonniers allemands. Très vite, après la déclaration de guerre, ils furent aménagés pour accueillir des réfugiés fuyant devant l’invasion ennemie. En fait, ces sites ont été réquisitionnés par l’occupant pour regrouper des milliers de soldats de l’armée française faits prisonniers durant la campagne de France de mai à juin 1940. On en comptait 20 000 à Pithiviers dans trois centres différents dont un seul restera pour devenir le « camp » et 22 000 à Beaune-la-Rolande. Si certains se sont évadés, la plupart ont été détenus plusieurs mois avant d’être expédiés en Allemagne d’octobre 1940 à début 1941.


De 1941 à 1943, pressé par le commandement militaire allemand, le gouvernement de Vichy mit en application sa loi du 4 octobre 1940 et envoya plus de 18 000 « étrangers de race juive », dont 4 000 enfants, dans les camps d’internement de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande. Certains furent arrêtés à Paris le 14 mai 1941 sur convocation, le billet vert, les autres, essentiellement des femmes et des enfants, ont été arrêtés lors de la Rafle du Vel d’Hiv de juillet 1942. Les premières déportations eurent lieu en juillet 1942 en direction du camp d’extermination d’Auschwitz. Rares sont ceux qui survécurent et en revinrent. Ces camps relevaient de l’administration de l’État français, tant au niveau de la direction que de la surveillance, mais étaient sous le contrôle de l’occupant. Chaque année, en mai, en souvenir de cette période dramatique de notre histoire, une cérémonie commémorative est organisée à Pithiviers et à Beaune-la-Rolande par l’Union des déportés d’Auschwitz, en présence de l’Association des Fils et des filles des déportés juifs de France, du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), du CERCIL (Centre de recherche sur les camps d’internement du Loiret), de la Communauté juive d’Orléans et des élus locaux. A Pithiviers, tous se recueillent devant la stèle de la rue de l’Ancien Camp sur laquelle sont gravés les noms des juifs internés dans le camp de Pithiviers, victimes de la barbarie nazie.

Bayrischzell en 1940 et en 2006

Hotel Wendelstein

webcam sur le Wendelstein

notes

  1. Ski
  2. Le ravitaillement arrivait par Turini. Tous les matins une équipe allait chercher le courrier et le ravitaillement.
  3. On y est resté un mois.
  4. Ici la foudre a tué un copain. Le camp de base se trouvait à Peira Blanca. La cabane était en tôles. On y couchait sur des couvertures. Cétait au moment de la relève. Un groupe montait pour nous relever. Celui qui a été tué avait le fusil sur l'épaule. La foudre a suivi le bord de la cabane et a suivi sur la carabine. Le type a été carbonisé. Nous, on était sous les couvertures. On était tous tombés par terre. Moi j'avais un bouton en cuivre qui a fondu ! En face de nous il y avait un fort italien. Au début, on croyait que c'étaient les italiens qui nous tiraient dessus. Puis on vu le soldat carbonisé. J'étais avec le sergent et le copain du Tarn (Cros). Ce dernier a eu les parties brulées !
  5. C'est ici que commence le récit
  6. Anecdote: on a vu des fusils pointés sur nous. On ne savait pas qui c'était. Heureusemnt c'était un régiment de noirs.
  7. Mais nous, on ne savait pas quel pont allait sauter. Etait-ce le pont sur lequel nous avancions, ou était ce le pont d'à coté sur lequel passait les autos ?
  8. Albert a toujours gardé son gobelet de soldat. Il l'avait gravé ...
  9. http://www.ville-pithiviers.fr/histoire_locale/histoire_locale.php