dimanche 29 décembre 2013

Paul, Henri Sirvain et les autres pendant la première guerre mondiale

Paul, Henri Sirvain et les autres pendant la première guerre mondiale

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Paul, Henri Sirvain et les autres pendant la première guerre mondiale

Paul, Henri Sirvain et les autres pendant la première guerre mondiale

Comme beaucoup de français j'ai voulu participer à La Grande Collecte pour numériser mes archives familiales de la Première Guerre mondiale.

Je me suis rendu le Mercredi 13 Novembre 2013 aux archives départementales des Alpes-Maritimes avec deux photos de mon grand père Turland et une boite contenant des lettres échangées pendant la guerre entre un soldat Henri Sirvain et sa femme Albertine Roux, Après un entretien d'une demi-heure nous avons décidé de numériser les deux photos et une carte. Mais en ce qui concerne les lettres qui sont nombreuses et non classées, nous avons décidé que je devais les lire une par une et puis les classer. C'est ce que j'ai fait.

Je voudrais maintenant vous faire partager ce que j'ai découvert en lisant ces lettres. Pour cela je vais créer ce blog dans lequel au fil des articles je publierai les lettres relatant l'évènement le plus tragique que fut la mort de Paul Sirvain.

Ce qui me frappe d'abord c'est la qualité de l'orthographe et de la rédaction de la part de jeunes paysans ou travailleurs qui n'ont que leur certificat d'étude ou pas. Ensuite j'ai remarqué contrairement à ce que je pensais en commençant la lecture qu'il n'y avait pas que des lettres entre Henri et sa bien aimée Albertine mais aussi des lettres de toute leur famille, frères, oncles et tantes, cousins, beaux frères et belles sœurs. On voit que dans toutes les familles, leurs enfants sont partis à la guerre, alors on se demande des nouvelles des uns et des autres, on s'inquiète si on n'a pas de nouvelles, les parents et les oncles plus âgés essaient de leurs conseils d'aider les épouses restées seules à gérer leur commerce et à les soutenir dans cette terrible épreuve.

Au début de cette année 1914 la vie s'écoule normalement quoique la vie n'est sans doute pas facile mais personne ne se doute qu'un cataclyme majeur se prépare.

Henri Sirvain et Albertine sont à Paris ou ils tiennent un commerce de vins et charbons, 1 rue d’Athènes, Paris 9 (près de la gare Saint Lazare) . Comme beaucoup d'aveyronnais de l'Aubrac ils sont montés à Paris pour s'installer après leur mariage. Les parents Sirvain sont agriculteurs près de Sainte Geneviève sur Agence. Le Frère d'Henri, Paul plus jeune fait son service militaire à Béziers dans les Hussards. Marie sa sœur est mariée avec Marius Volpelier horloger à Sainte Geneviève. On a aussi les lettres de Louis Roux, le frère d'Albertine. Leur cousin germain Jean Auguste Turland (mon grand père) s'est marié le 17 janvier 1913 avec Germaine Brousse et viennent d'avoir un bébé (mon oncle Auguste) né le 9 décembre 1913. Ils tiennent un café-plat du jour au Rendez vous des Employés de l'état, 184 rue Cardinet Paris 17 (en face de la gare des Batignoles depuis gare Pont-Cardinet). L'oncle maternel Henri Mousse est à la retraite. Il passe l'hiver à Amélie dans les Pyrénées orientales. La tante Julia Mousse vit près de Montpellier, à Babeau.

Pour lire la suite editez paul_henri_et_les_autres.pdf


Saint Robert de Turlande

Saint Robert de Turlande

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Saint Robert de Turlande

Chapitre I

Saint Robert de Turlande.

Fondateur de La Chaise-Dieu
Ses origines et sa famille d'après les Cartulaires.

Il y avait en Auvergne un jeune homme d'excellente et très riche famille, doué de tous les dons, sympathique, populaire même, qui pouvait, à son gré, se laisser mollement bercer par une vie de chanoine ou parvenir aux plus hautes destinées. Du premier argent qu'il reçu de son père il fonda un hôpital qu'il desservit lui- mème. Puis, abandonnant le confort de la ville, il se retira un beau jour dans une inextricable forêt du Brivadois, peuplée de bêtes à peine plus sauvages que les grossiers montagnards qui en habitaient les lisières, et il entreprit de défricher les indigènes et de civiliser la forêt.

Il se lança dans cette entreprise avec deux amis, logés d'abord, comme lui, sous des huttes de branchages, nourris de racines et de produits spontanés de la nature. D'autres hommes, attirés par son exemple, épris de la grandeur de son oeuvre le rejoignirent au nombre de plus de deux cents, s'associèrent à lui, le reconnurent pour chef et lui obéirent aveuglément.

La forêt et la famine reculent devant leurs défrichements, des chemins sont ouverts, les eaux asservies irriguent les prairies qui se rougissent peu à peu de troupeaux, actionnent des moulins fariniers, des foulons pour tissus. Hostiles et méchants d'abord, les indigènes vaincus par l'inlassable bonté du fondateur et la multitude de ses bienfaits, s'inclinent devant lui. Des villages, un bourg s'élèvent, destinés non seulement à recevoir les associés et leurs animaux, mais à héberger gratuitement les voyageurs et à hospitaliser les malades, auxquels ils fournissent non moins gratuitement les soins médicaux et la pharmacie.

Cette société de civilisation est singulière, Le chef est élu et les affaires importantes se règlent en assemblées générales comme dans les autres sociétés; mais tout y est en commun à perpétuité. Les associés doivent leur peine et le travail de toute leur vie sans recevoir aucun autre salaire qu'une nourriture, un entretien et des vêtements de pauvres. Il leur est interdit de se constituer un pécule personnel. Tous les produits nets de l'association sont employés à fonder des succursales sur le même modèle. Pas un sou pour les membres, tout pour les autres. Appelez cela humanitarisme, socialisme, collectivisme, altruisime ou tel autre nom moderne que vous voudrez, l'altruisme des membres de cette société fut d'une fécondité merveilleuse pour l'ensemble des citoyens.

On était, à une époque où l'Europe venait de connaître tous les fléaux. Elle était couverte de ruines; les désastres étaient immenses, on croyait l'humanité sur le point de se dissoudre. Le désordre était partout, même dans les institutions les meilleures. L'opinion s'émut à la nouvelle des résultats obtenus par la société réparatrice.

De toutes parts on s'adresse à son chef. En quelques années plus de cinquante établissements tombés ou décadents lui sont confiés; il y envoie des colonies de sociétaires imbus de son esprit de sacrifice et soumis à d'austères statuts. Ils y rétablissent l'ordre par la discipline, l'exemple, l'autorité morale, et par l'ordre la richesse publique. Le fondateur a insufflé à ses compagnons, qu'il appelle ses enfants, une telle soif d'action et de dévouement, que l'association du Tout pour les autres se ressent pendant plus d'un siècle après sa mort de la forte impulsion qu'il leur a donnée.

A ce moment l'oeuvre de ces étonnants altruistes a pris des proportions grandioses. Leurs colonies sont implantées en Haute et Basse Auvergne, en Rouergue, Gévaudan, Forez, Lyonnais, Limousin, Poitou, Saintonge, Agénois, Périgord, Albigeois, et jusqu'à l'extrémité, du Languedoc; elles débordent les Pyrénées, à l'appel d'un souverain espagnol qui les installe à Burgos, Ossa, Caneto. Ils ont des établissements dans le bassin de la Seine comme dans celui du Rhône, en Viennois, Valentinois, Provence et Dauphiné. La renommée de l'association franchit les Alpes, ou les maîtres de l'Italie, dévastée par les guerres civiles, lui livrent en partie Fraxinoro, Pavie, Lucques et Plaisance avec un grand nombre de sujets. Presque partout - voilà ce que l'on ne saurait jamais redire assez - c'étaient des ruines qu'on leur donnait à relever, et c'étaient les donateurs que la donation enrichissait le plus.

Les landes transformées en labours, les marécages assainis les vignobles plantés, les populations dispersées par l'âpreté de l'homme ramenées dans les foyers éteints, les routes rendues praticables aux marchands avec des gites-étapes, les secours de toutes sortes prodigués au peuple, les faibles protégés contre la tyrannie des puissants, voilà une partie de l'oeuvre materielle de cette, association qui, de son siège principal d'Auvergne, dirigeait ses nombreuses filiales éparses dans l'Europe latine.

Laissons de côté les hommes illustres sortis de son sein, les merveilles d'architecture surgies de son immatérielle pensée, Les éléments de la science et de l'histoire conservés par son labeur ; oublions même pour un instant son oeuvre principale et son but essentiel, le baume versé aux douleurs morales, l'espérance d'en-haut rendue aux désespérés de la terre, la consolation de mourrir apportée aux mourants, l'idée de devoir maintenue dans la société humaine, plus indispensable certes que celle de ses droits. Quelles statues ne dresserions-nous pas au fondateur désintéressé d'une socièté civile qui aurait tant fait pour le peuple, nous qui nous piquons d'être des économistes, des scientifiques, et qui prodiguons les monuments à de moindres bienfaiteurs de l'humanité, à des généraux d'une heure, aux réveurs néfastes, ou tout simplement à celui qui parla bien !

Mais voilà, c'était un moine! La société ne distribuait aucun dividende, et ses membres ne réclamaient pas la journée de huit heures!

On a deviné, même avant d'avoir lu le titre, qu'il s'agit de Saint Robert, fondateur de la Chaise-Dieu. A défaut de la statue qu'il serait le premier à renverser s'il pouvait renaître, c'est bien le moins que nous ne privions pas nos grands hommes de leur véritable état civil; et c'est à rétablir celui de Saint Robert que cette notice est consacrée.

La butte de Montgâcon qu'on aperçoit d'ici au fond de la Limagne, Maringues, Bulhon, Luzillat, Saint-Denis, qu'elle domine, autant de lieux qu'il marqua de ses prodiges dont son agiographe du XII° siècle a conservé le récit: autant de noms qui font refleurir en touffes parfumées les joies de l'enfance pour celui qui écrit ces lignes, les doux souvenirs de jeunesse et les couronnes d'immortelles suspendues aux tombes qui lui sont chères !

Poussé par les évènements dans la Haute-Auvergne, ç'a été pour y retrouver le lieu de l'origine de Robert, les demeures, les personnes et les biens de sa famille; puis en Dauphiné, pour y retrouver son nom dans la Grande Chartreuse dont les Casadiens furent les co-fondateurs en lui fournissant une partie du sol sur lequel elle fut édifiée, dans l'Asile de Saint-Robert de Cornillon construit par la Chaise-Dieu à 4 ou 5 kilomètres de Grenoble, et, dans cette séduisante ville, mon âme d'auvergnat s'est dilatée à revoir ces notes depuis longtemps recueillies, en ayant sous les yeux son faubourg Saint-Laurent qui dut sa renaissance et sa prospérité à une autre société monastique de notre région. Revenir à Clermont, dans cette salle, c'est, avoir à sa droite Montferrand dont le quartier prirnitif, celui de Saint Robert, appartint à La Chaise-Dieu, à sa gauche la cathédrale où se passa l'un des épisodes les plus touchants de sa vie.

Bien modeste est l'hommage rendu ici à sa radieuse mémoire rencontrée partout, en essayant de lui restituer son nom. Mais c'est aussi une dette dont je m'acquitte envers le public. L'ayant appelé Robert de Turlande dans diverses publications, contrairement à tous les agiographes, je dois en fournir la justification.

NOTIONS POSITIVES SUR L'ORIGINE DE SAINT ROBERT. ERREURS DES AGIOGRAPHES

Groupons d'abord les renseignements positifs qui nous sont parvenus sur lui.

Deux des contemporains de Saint Robert ont écrit sa vie. L'un, Géraud de Laveine, son disciple, son chapelain et son ami, était d'Auvergne(1); il a rédigé ses notes entre 1066, date de la mort de son chef, et 1070 époque de son retour de Rome, où il fut envoyé par Durand, second abbé de la Chaise-Dieu, pour les porter au pape et obtenir la canonisation du fondateur.

Le second, Marbod, archidiacre d'Angers et plus tard évêque de Redon, déclare dans la préface de sa Vita S.Roberti, avoir utilisé, pour la rédaction de la biographie du saint, le mémoire de Géraud, moine sincère et pieux, mais ajoute-t-il, écrivain prolixe et peu châtié. Dans le même siècle, Bernard, capiscole de la même ville d'Angers, rédigeait le Livre des miracles de Sainte Foi, après être venu au moins à trois reprises à Conques en une dizaine d'années (1010-1020) et fait chaque fois un séjour assez prolongé dans ce monastère. De même Marbod dut avoir avec le pays de Saint Robert et de la Chaise-Dieu des rapports de famille, de carrière ou de pélerinages; fort rares, en effet, sont à cette époque, les agiographes traitant de personnages étrangers sinon toujours à leur contrée natale, du moins aux événements de leur propre existence. Marbod était encore archidiacre lorsqu'il écrivit les Actes de Saint Robert, c'est donc qu'ils ont été composés avant 1096, année de son élection à l'éveché de Redon en Bretagne. L'âge de Marbod lui a permis de connaître les disciples de Robert et peut-être le saint lui-même.

Nous avons une autre source de renseignements dans le Livre tripartite des miracles de Saint Robert, écrit en 1160 par Bertrand, moine de la Chaise-Dieu, qui eut sous la main les documents et connut les traditions orales de l'abbaye.

Baluze lui donne un frère du nom de Guillaume: pour ami intime, pour « familier », un noble laïque prénommé Etienne; et cet Etienne était chevalier ; il fut l'un des deux premiers compagnons de sa retraite dans les forêts de la Chaise-Dieu.

Bertrand nous apprend, en outre, que Robert « fréquentait beaucoup un château d'Auvergne appelé Broussade ( al Brossadol) ». Il y couchait, y faisait des séjours et il y laissa des souvenirs; de son vivant le seigneur ou suzerain de l'endroit que Bertrand ne désigne pas autrement que « le père de famille », fut un des miraculés de Robert. L'existence de ce château, fort connu dans l'histoire du pays, est signalée en 1010-1015 par le capiscole Bernard exactement contemporain de Saint Robert. Il n'en reste que la ferme de Broussade, commune de Saint-Georges, limitrophe de la commune de Saint-Flour.

Lorsque Robert II, comte d'Auvergne et de Rouergue, voulut, de concert avec sa femme Philippie de Gévaudan, donner à l'abbaye de Conques, en 1059, quatre mas dépendant du fief de l'église de Tanavelle, paroisse contigue aussi à celle de Saînt-Flour qui la sépare seule de Brossadol, et où les Mercoeurs avaient des possessions féodales, les seules personnes qu'ils appelèrent à confirmer cet acte de leur sceau, furent Etienne, évêque (Etienne de Mercoeur), et « Robert, abbé de La Chaise-Dieu » qui le souscrivit avec cette qualité.

D'après Marbod, il serait né au sein d'une région déserte que sa mère Raingarde, dans un délai de grossesse avancée, traversait pour se rendre dans un château où elle devait faire ses couches. La tradition casadienne dit que ce château était celui de Reihlac (en Brivadois), que Robert y fut porté et y passa son enfance. Il est démontré par la donation de Guillaume, frère prouvé de Saint Robert dont on trouvera le texte plus loin, que la famille possédait des biens en ce lieu.

La résidence de ses parents était à une certaine distance de Brioude, assez rapprochée néanmoins pour que, lors de sa fugue vers Saint Odilon de Mercoeur et l'abbaye de Cluny, les habitants de Brioude, inquiets de sa disparition, aient eu le temps d'aller s'y informer de lui, d'en revenir et de le rattraper sur la route de Bourgogne.

Enfin les anciens agiographes sont d'accord sur ce fait que sa famille avait des biens et des relations tout à la fois avec l'Auvergne et le Rouergue, bien que sa principale résidence fût dans la première de ces provinces

Je n'ai pas à m'arrêter aux éléments biographiques proprement dits. Nous n'avons à en retenir que son éducation dans les écoles de Brioude où, clerc d'abord, il reçut la prêtise puis une prébende de chanoine dont il était encore investi au mois de Septembre 1052, près de dix ans après la fondation de son établissement monastique de Casa Dei, la maison de Dieu, devenue la Chaise-Dieu; qu'il y fut un cloîtré intermittent , allant et venant sans cesse au dehors pour le développement de son oeuvre, pas plus contemplatif qu'il ne l'avait été à Brioude; et qu'il y mourut le 17 ou le 24 avril 1066, âgé de 65 ans, d'autre disent 75 ans.

Voilà tout le fond des données positives qui nous seraient parvenues sur l'origine, la famille de Saint Robert, l'habitat et la situation des propriétés de ses parents. Il nous est interdit d'en sortir sans une preuve péremptoire.

Malheureusement les commentateurs et les agiographes modernes ne se sont pas gênés pour violer cette règle élémentaire de la critique; ils s'en sont donnés à coeur-joie depuis le XVIIe siècle à amplifier et à dénaturer. Je n'en citerai que tout juste ce qu'il faut pour saisir la filiation des fables.

Jacques Branche, prieur de Pébrac, voisin de La Chaise-Dieu, écrivait en 1652: « Saint Robert... prit sa naissance des comtes d'Aurillac d'où Saint Gérauld avait aussi tiré la sienne». Ce n'est plus le ut creditur, de Marbod contemporain de Robert, et des Acta, c'est une affirmation que les auteurs de la Gallia avaient déjà autorisée sur la foi de quelque correspondant d'Auvergne mal informé.

Deux siècles plus tard, son homonyme Dominique Branche surenchérit, nomme carrément Saint Robert « Robert d'Aurillac » et s'exprime ainsi en 1842: « Il (Saint Robert) eut pour père le comte d'Aurillac, du même nom que son illustre aïeul Saint Gérauld, lequel était issu de l'ancienne maison de Poitou ». Et comme les Bénédictins avaient émis l'opinion que sa mère Raingarde était du Rouergue, avec un égal sans-gêne il fait de Raingarde la « fille du comte de Rodez».

M. Chaîi de la Varenne et bien d'autres ont reproduit l'affirmation de cette double origine princière que Dominique Branche appuie non pas d'un texte, mais de l'indication vague d'une vingtaine d'ouvrages français, latins et même espagnols, c'est-à-dire du bloc de tous ceux qui vont lui servir pour composer la vie entière du saint, bien que la plupart soient muets ou imprécis sur l'origine de sa famille. Cela fait illusion au lecteur: il peut croire surabondamment établi un fait qui ne l'est pas du tout.

Le dernier écrivain qui se soit occupé du fondateur de la Chaise-Dieu est revenu prudemment au «dit-on» de Marbod pour la prétendue origine paternelle de Robert, mais il a reproduit les agiographes relativement modernes pour sa mère qu'il fait fille du comte de Rodez; de tout quoi personne jusqu'à ce jour n'a donné ni preuves ni indices.

Ces renseignements récents ou relativement modernes sont absolument fantaisistes.

Le père de Saint Robert ne fut pas plus comte d'Aurillac que sa mère ne fût fille du comte de Rodez. Il y eut bien au IX° un Géraud comte des marches limosino-auvergnates, qualifié comes Limovicinus, qui fut seigneur et non pas comte d'Aurillac, et dont le fils Géraud est appelé du titre personnel de comes sans indication d'aucun gouvernement territorial dans un mandeburde de Charles le Simple; mais il n'eut jamais de comtes d'Aurillac qualifiés de ce titre, soit de son temps, soit après lui. Saint Géraud d'Aurillac, son unique fils, a obstinément refusé de se marier, malgré les belles alliances qui lui étaient offertes, la soeur de Guillaume le Pieux duc d'Aquitaine notamment; il n'a donc pu être l'aîeul de personne. Enfin, le comte de Rodez n'existait pas lors de la naissance de Saint Robert; il a été créé plus d'un siècle après. Voilà pourtant comme on est parti!

On n'a pas encore, que je sache, soumis les dires des agiographes et des historiens sur l'origine de Saint Robert au contrôle de la critique, ni essayé de combler leurs lacunes à l'aide de des documents.

Faisons donc table rase de ces dires trop modernes, de confiance et perpétuellement ressassés, qui altèrent les textes primitifs sans leur en substituer de nouveaux, et tiennent pour démontré ce qui ne l'a jamais été à ce jour.

Si, en revanche, nous trouvons, à l'époque voulue et dans les conditions exigées par les notions positives que nous venons de dégager, une famille:

  1. Vivant dans les deux premiers tiers du XI° siècle;
  2. En Auvergne;
  3. Avec des relations et des propriétés en Rouergue;
  4. Une famille seigneuriale de grande allure, riche, très libérale et très pieuse;
  5. Dont le chef soit un Géraud;
  6. Mari d'une Raingarde, à une époque coïncidant avec la naissance et l'enfance de Saint Robert;
  7. Père, entre autres fils, d'un Guillaume;
  8. Ayant des biens à Reilhac;
  9. A Brossadol, et des liens féodaux étroits avec les seigneurs de ce lieu;
  10. Donnant, du vivant de Saint Robert et de son familier Etienne, des marques d'intérêt toutes particulières à un homme noble ainsi prénommé et appartenant à une famille leur voisine de terres;
  11. Si cette famille a sa résidence à une certaine distance mais non excessive de Brioude;
  12. Si elle prend part, enfin, des premières, à la dotation de La Chaise-Dieu à ses débuts.

Cette famille-là remplissant ces douzes conditions, sera incontestablement celle de Saint Robert. Il y en aurait une treizième, c'est que Saint Robert avait les cheveux roux. On comprendra aisément que pour celle-là le contrôle est plus difficile, le portrait des Turlande ne nous est pas parvenu.

Et si, à l'accumulation de tant de preuves, elle nous offre en outre par le nom et la situation de certaines de ses terres, des apparences suffisantes pour expliquer très clairement l'opinion un peu vague (ut creditur) qui s'est manifesté après la mort de Saint Robert d'une commune origine avec Saint Géraud d'Aurillac, ce sera l'évidence même.

Or, il y en a une, et il n'y en a qu'une, dans les actes contemporains, à remplir toutes ces conditions, celle des seigneurs de Turlande.

Turlande est un village de la commune de Paulhenc, canton de Pierrefort, arrondissement de Saint-Flour. De son château, construit sur la rive droite de la Truyère, affluent du Lot, il reste encore quelques vestiges. La rivière qui baigne les pieds de la montagne au sommet de laquelle il s'élevait, sert et a toujours servi de limite aux provinces d'Auvergne et du Rouergue, aux anciens comtés du même nom, aux diocèses de Clermont et de Rodez. Elle sépare les départements de l'Aveyron et du Cantal, les arrondissements de Saint-Flour et d'Espalion. Le fief de Turlande était à cheval sur le territoire de ces deux arrondissements et s'étendait même aussi loin sur celui d'Espalion que sur celui de Saint-Flour, dans le canton de Sainte-Geneviève spécialement, et sur la circonscription carolingienne des vigueries de la Viadène, de Barrès et de Bromme, ces deux dernières représentées aujourd'hui à peu près par le canton de Mur-de-Barrès et une partie de ceux de Sainte-Geneviève, Saint-Amant-des-Côts et Pierrefort.

Le château de Turlande, très fort, très souvent attaqué, pris et repris, comme toutes les forteresses de frontière, pendant les guerres féodales et surtout pendant la guerre de Cent ans, où il fut repris pour la troisième fois par Chopin de Badefol, et resta occupé jusqu'au printemps de 1391 par une établie anglaise alliée des garnisons de Carlat, d'Alleuze et du Saillant, fut ruiné à cette époque. Plus au moins rétabli ensuite, il est détruit depuis près de trois siècles.

Peu de chapelles de résidence féodales, et même peu d'églises de villes eurent une plus complète collection de reliques rapportées d'Orient par les pélerins ou les croisés, à consulter la qualité plus que le volume: elles comprenaient une parcelle du bois de la croix, des reliques de Saint Pierre et de Saint André, des cheveux de Sainte Madeleine, un morceau de la robe de la Vierge Marie et d'une robe attribuée à Notre Seigneur; un fragment de la pierre sur laquelle la sainte famille s'était reposé lors de sa fuite en Egypte, des restes des Saints Blaise, Ferréol, Georges et Maxime.

Lorsque les Bourbons annexèrent Turlande à leurs vicomtés de Murat et de Carlat, ils firent don d'un grand reliquaire à leurs armes pour conserver ces richesses, dont l'origine et la nature étaient consignées dans «un cahier écrit en langue gothique ».

Les trois seigneuries de Turlande, Mels et Bénavent contigues et enchevêtrées dans le canton de Sainte-Geneviève, paraissent n'avoir formé qu'un seule terre, propriété d'une même famille à l'origine; j'entends par là l'époque où les vigueries carolingiennes furent dissoutes et où les seigneurs locaux substituèrent leur autorité à celle du souverain dans ces circonscriptions administratives. Le district où Turlande, Mels et Bénavent se trouvaient situés, était la viguerie de Barrès, qui chevauchait, elle aussi, la Truyère tout comme la terre de Turlande, et dépendait du ministère de Carlat, devenu vicomté dans la seconde partie du X° siècle. On sait que ce fut à la fin de ce siècle et les premières années du suivant que s'accomplit la révolution féodale dans notre région.

Les indices de la commune origine des seigneurs de Turlande, Mels et Bénavent, aux environs de l'an mille, ont été judicieusement réunis par les derniers historiens du Carladès. Nous aurons à y revenir à propos de Bénavent.

Chapitre II

LE PERE DE SAINT ROBERT. POSSESSIONS DE LA FAMILLE. SES RAPPORTS AVEC BROSSADOL ET REILHAC. ETIENNE DE CHALIERS, LE FAMILIER DE SAINT ROBERT.

Quand il s'agit d'un problème généalogique des X et XI° siècles, la source classique des renseignements, s'il en existe, est dans les cartulaires; les agiographes de Saint Robert ne s'en sont pas servi. Ceux qui nous intéressent n'étaient pas composés du temps de Géraud de Laveine, homme trop fruste pour compulser les archives des monastères. L'Angevain Marbod était un étranger de passage, et Bernard, moine de la Chaise-Dieu, n'a pas poussé ses recherches. Les agiographes du XVII° au XIX° siècle n'ont pas eu comme nous la commodité que nous offre la publication de ces précieux recueils.

Nous en avons qutre utiles à consulter pour les deux provinces où nous amène la recherche de l'origine de Saint Robert, l'Auvergne et le Rouergue, ce sont les cartulaires de Brioude, Sauxillanges, Conques et Saint-Flour. Il nous manque, il est vrai, le plus intéressant de tous pour notre sujet, le cartulaire de la Chaise-Dieu. S'il a été composé, il a disparu, mais il peut se reconstituer en partie en réunissant dans un même recueil les actes intéressant l'histoire de ce grand monastère, en ce moment épars dans les divers dépôts de France et de l'étranger. Il se fera ou se refera certainement. On peut dire, en attendant, que le silence de tous les autres cartulaires de la région sur la famille d'un homme qui a tenu une si grande place dans le monde religieux de son époque, serait à priori surprenant.

Il serait à peu près sans exemple que les parents d'un tel bienfaiteur de l'Eglise n'aient personnellement rien fait pour que l'un ou l'autre des monatères de Conques, Bonneval, Saint-Flour, Brioude et Sauxillange, puisqu'ils se rattachent à la fois au Rouergue et à l'Auvergne du XI° siècle, et qu'ils fussent restés indifférents à celui de la Chaise-Dieu aux temps de sa fondation et du vivant de Saint Robert.

Or, c'est dans le cartulaire de Conques, à la charte 421 (Mars 1007-1010), que nous trouvons tout d'abord, à une époque parfaitement correspondante à la jeunesse du saint, le nom de ses parents Géraud et Raingarde.

Escabrins était, d'après M. desjardins, le savant éditeur du cartulaire, un lieu situé sur la commune de Lacalm (canton de Sainte-Geneviève), limitrophe du canton de Pierrefort et de la terre de Turlande. La région est à retenir car c'est dans ce même canton de Sainte-Geneviève que nous verrons Géraud de Turlande, frère de Saint Robert, avec le nom de la seigneurie de Turlande sous le règne du roi Robert II mort en 1031

Nous apprenons par la charte 342 du même cartulaire que, entre 996 et 1004, Raingarde avait un fils du nom de Géraud. Nous courons d'autant moins le risque de nous égarer que dans les 2100 et tant d'actes des cartulaires précités, il n'y a qu'un seul ménage du nom de Géraud et de Raingarde, et ils vivent simultanément dans le même pays et à l'époque voulue.

Ce fils Géraud fut l'ainé de la famille, et lui-même se dira le frère de Guillaume et de Robert. C'est sous le roi Robert II et sous son successeur que les seigneurs du pays commencèrent de prendre le nom du château qu'ils construisirent ou de celui qui était leur principale résidence; les seigneurs qui le portent avant sont une très minime exception; et souvent pendant la période de transition, le même personnage figure aux actes qui le concernent tantôt avec son seul prénom, et tantôt avec l'adjonction du nom féodal. Si la famille de domicile ou si elle en a plusieurs séparés par de grandes distances, elle sera facilement désignée sous le nom terrien de son nouvel habitat ou de chaque domicile, après avoir été quelque temps appelée du nom de l'autre, car au début le caractère patronymique du nom fut hésitant. Quant aux fils et aux filles qui sont d'Eglise, au commencement du XI° siècle, on ne leur donne pour ainsi dire jamais le nom de famille dans les actes monastiques, pas plus qu'on ne le donne dans un grand nombre d'ordres religieux de cette époque. Ils ne peuvent être cependant classés socialement et historiquement que sous le nom devenu patronymique dans leur famille de leur vivant et resté invariablement patronymique après eux.

Géraud, fils de Géraud et de Raingarde, prit celui du château de Turlande. Il le portait entre 1024 et 1062. Ceux de ses frères qui furent allotis sur cette terre le portent aussi en toute certitude dans les actes. D'où la présomption que le père commun le portait lui-même à la fin de sa vie. Géraud, mari de Raingarde, était donc seigneur de Turlande. Voilà d'abord exécutées les conditions 1, 2, 4, 5 et 6 que nous avons à remplir.


Vers 1024, devenu chef de famille, Géraud II de Turlande donne sous ce nom, à l'abbaye de Conques, l'alleu et la suzeraineté de son église de Saint-Amant-d'Orlhaguet, où Rigaud de Turlande, qui en tient la moitié en fief de lui, abandonne aussi ses droits; il la gratifie de son mas du Périer (canton de Pierrefort) où il possède des redevances indivises avec Jean; d'autres biens communs entre lui et son frère Deusdet; et encore sa part du mas d'Erail, commun entre lui et "GUILLAUME SON FRERE" et codonateur. Ce qui constitue et confirme formellement les réponses aux questions 3 et 6.

Quelques années plus tard, en 1060-1062, après les partages de famille, Geraud de Turlande renouvelle le don de l'église de Saint-Amans d'Orlhaguet avec son frère Pons qui n'avait pas participé à la première donation, et il ajoute l'église de Saint-Etienne située sur le même territoire d'Orlhaguet, dont il était co-propriétaire avec le même Pons

Dans ces actes, comme dans les autres, Géraud est toujours nommé le premier, et c'est lui qui, en sa qualité de chef de famille, détient "l'alleu" des terres où les puînés ne possédent leur part d'héritage qu'en "fief" tenu par lui. Il y est constaté que l'abbaye de Conques à donné "la viguerie" de ses possessions dans ces parages à Géraud et à Jean, à charge évidemment de les défendre. C'est un véritable traité d'inféodation qui augmenta la seigneurie de Turlande dans cette partie du Rouergue, province où Géraud était le voisin de Conques en plusieurs lieux.

Géraud ne borna pas ses bienfaits à l'abbaye rouergate. Il avait un noyau de terres importantes autour de Saint-Flour (anciennement Incidiac); ils étaient là, lui et ses frères, comme dans le canton de Pierrefort et de même, au surplus, que les seigneurs de Brezons leurs voisins à Turlande, les vassaux d'Amblard, comtour de Nonette. On ne sait si c'est ce dernier qui leur a inféodé des paroises en ce lieu, mais il y a texte positif qu'aux environs de 1000 à 1010, le Comtour de Nonette distribua les terres de ce pays à ses chevaliers pour les tenir de lui en fief. Lorsque, en réparation de ses violences, ce principule eut cédé la terre de Saint-Flour à l'Apôtre et que le Pape en eut gratifié l'ordre de Cluny en la personne de son chef Saint Odilon, celui-ci vint sur les lieux peu de temps avant la mort du roi Robert, et vers 1025. Il fit convoquer devant lui les principes illius terroe, ainsi s'exprime le vieux cartulaire de Saint-Flour, auquel nous recourons maintenant. "Et parmi eux", ajoute le document, les seigneurs de Brossadol, de Murat, de Miermont, de Saint-Urcize "et ceux de Turlande".

Un peu plus loin, le même document résumant deux autres actes postérieurs de quelques années seulement, spécifie le nom des donateurs et des biens donnés par les Turlande. Parmi les fiefs dont Géraud de Turlande et son frère Pons délaissèrent la seigneurie au monastère que fondait Saint-Odilon, se trouvait le fief paroissial de Saint-Georges (au moyen-âge Saint-Georges de Brossadol). Géraud était là ainsi qu'à Mentières, et sans doute aussi à Tiviers et à Cussac, paroisses contigues à la précédente, le seigneur suzerain d'Albuin de Brossadol, bien probablement l'Albuin de la Roche de la Basse-Auvergne. C'est, en effet, lui, Géraud, qui avait inféodé Saint-Georges de Brossadol à Albuin. Après sa mort, advenue au plus tôt entre 1060 et 1062, les partages de la famille n'ayant pas encore été faits, Pons de Turlande les réclama, et la seigneurie de Saint-Georges fut mise dans son lot. L'effet rétroactif de cette opération fut d'annuler la donation de Géraud; mais Pons en fit une nouvelle par laquelle il gratifiait le prieur de Saint-Flour des droits que le partage lui assignait sur ce fief, et il lui donnait en outre l'église de Tiviers. Albuin de Brossadol, feudataire de Turlande, se démit, de son coté, de ses droits de tenure sur les fiefs des églises de Saint-Georges, Mentières et Cussac. Nous voyons là paraître les frères Géraud et Pons à la même époque, avec les mêmes nom et prénoms et le même degré de parenté que dans le cartulaire rouergat, preuve manifeste entre tant d'autres que la famille avait pied dans les deux provinces.

Leurs autres frères, Guillaume et Robert, notamment ne possédaient rien dans cette partie des vastes domaines de la famille. Guillaume a son principal apanage dans ce pays de Brivadois, en Basse-Auvergne, que sa situation géographique fit incorporer au diocèse de Saint-Flour, lorsqu'en 1317 il fut démembré du diocèse trop vaste de Clermont. Une donation faite vers la fin de la première moitié du XI° siècle dit que les biens situés dans le territoire de Cumignat (canton de Brioude), sont situés " in potestate de Guillaume, fils de Géraud". dans la diplomatique de nos cartulaires, ce terme de postestat a le sens de seigneurat. Mais les voici figurant dans deux libéralités faites à Brioude aux dépens de leurs biens du Brivadois. C'est dans l'un de ces actes que Guillaume, qui eut aussi une part d'Orlhaguet, est formellement dit "frère de Saint Robert".

Le premier texte relate deux donations ayant chacune un intérêt très important pour nous. C'est d'abord le don par Géraud au chapitre de Saint-Julien d'un mas situé dans la viguerie de Brioude et de biens dépendant de la villa de Chauriat (qui doit être lu de préférence Chauliat), sous la condition que Robert son frère serve à la mort du donateur une réfection aux chanoines le jour de son anniversaire. Cette condition suppose que Robert devait être le bénéficiaire sa vie durant des biens donnés, car on n'impose pas à quelqu'un une charge en compensation d'une autre charge. Telle était, d'ailleurs, la combinaison ordinaire des dons faits par les chefs de famille aux monastères pour servir de donation aux puînés qui y prenaient l'habit; les biens étaient donnés à l'établissement en nue propriété, la jouissance restant au membre de la famille qui entrait dans le monastère, souvent même après eux à un frère, à un parent resté dans le monde. Robert était donc alors à Brioude, mais pas encore chanoine, l'acte-notice, très concis, ne lui donnait pas cette qualité.

La seconde donation contenue dans le premier document porte sur les possessions du même Géraud frère de Robert, (plus tard Saint Robert), sous la condition que le chapitre de Brioude donne la sépulture à Etienne de Chaliers quand il viendra à mourir. Il cède pour cela certaines redevances à lever sur la terre de Reilhac. Il n'a pas encore pris le nom de Turlande, son frère Robert n'est pas encore chanoine, mais Robert est en age de souscrire et il soucrit le premier cette donation de Géraud. l'acte est donc de mots en langue vulgaire (mas, Jauriag, Molimart, Calaires) au texte latin.

Par le second acte de Brioude, Guillaume délaisse à ce chapitre, peu après la canonisation de Robert, les redevances de Reilhac données naguère par son frère Géraud et dont il avait gardé la jouissance. C'est dans ce document qu'il est dit "frère de Saint Robert". Geraud de Laveine, envoyé à Rome par Durand Henri, second abbé de La Chaise-Dieu, pour obtenir la canonisation du fondateur, revint avec la bulle aux environ de 1070. Ainsi, bien que les actes ne soient pas datés, nous avons leurs dates approximatives, strictement limitées en arrière et en avant.

L'absolue identité des redevances de Reilhac en nature et nombre de têtes d'animaux, moutons, porcs, agneaux, poules, en nature, et quantité de grains, énumérés méticuleusement dans le même ordre, rapprochées de la certitude apportée par les cartulaires que Géraud de Turlande avait, en 1060-1062, un frère, Guillaume, et de toutes les corrélations positives, ne permettent pas de douter qu'il ne s'agisse ici des frères Guillaume et Géraud de Turlande, parfaitement établis par les actes du cartulaire de Conques qui viennent d'être cités.

Dans Etienne de Chaliers à qui Géraud, alors chef de la famille, porte tellement d'intérêt que de ses propres deniers il assure la sépulture de ce personnage dans le Chapitre de Brioude, nous retrouvons cet Etienne, qui fut le plus grand ami de Saint Robert, le cofondateur avec lui de la Chaise-Dieu. Quand Robert demeurait encore à Brioude, il n'était pas seulement son ami, mais son "familier". Il avait été de plus, paraît-il, l'un des chevaliers de son père. Etienne vint à Brioude où Robert le convertit; il y resta quelques temps auprès de lui, partageant ses bonnes oeuvres , bien que laïque et toujours chevalier; ils se retirèrent ensuite ensemble dans la forêt (1043-1046). Ce fut même Etienne que Robert chargea de découvrir un endroit sauvage et néanmoins peu éloigné d'une église paroissiale, où ils pourraient apaiser leur besoin de solitude tout en priant Dieu dans son temple. Etienne lui fit agréer son choix. Il paraît être mort avant l'achèvement du monastère, car il n'est plus question de lui à partir de ce moment; nous n'avons du moins plus trouvé ses traces après 1052. Le second compagnon de Robert, Dalmas, figure encore en tête des traités que passe l'abbaye en 1061, mais Etienne en est absent. Etienne de Chaliers convient à merveille à tout cela, et par la situation de Chaliers (canton de Ruines, arrondissement de Saint-Flour) dans l'ancien comté de Brioude, à peu de distance de Brossadol et de Reilhac propriétés des Turlande.

Le prénom de ce cofondateur de la Chaise-Dieu se reproduit avec respect dans sa famille

Il ressort donc clairement du rapprochement des cartulaires de Conques, Saint Flour et Brioude que Géraud et Guillaume, frères de saint Robert, ne sont autres que Géraud et Guillaume de Turlande; et que Turlande est bien le nom féodal de la famille. Il est d'ailleurs tout naturel qu'elle ait choisi pour son principal siège le château de Turlande, puisqu'il se trouvait situé entre ses grandes terres du Rouergue et ses domaines d'Auvergne. Elle s'y perpétua pendant plusieurs siècles; on l'y suit jusqu'au XV° siècle.

Marcellin Boudet.

Chapitre III

Notes et Documents concernant l'histoire d'Auvergne

Saint Robert de Turlande: Fondateur de La Chaise-Dieu

Ses origines et sa famille d'après les Cartulaires

DOTATION DE LA CHAISE-DIEU PAR GERAUD DE TURLANDE - BROSSADOL - LIEN ENTRE LES TURLAND ET SAINT ROBERT

On doit s'attendre à ce que Géraud de Turlande ait participé à la dotation de l'abbaye de La Chaise-Dieu fondée par son propre frère; et s'il ne l'avait pas fait ce pourrait être une objection de quelque poids. Or, non seulement il y a participé mais il est signalé avec Etienne de Mercoeur comme l'un des plus importants et des 'premiers bienfaiteurs' de l'oeuvre, par ceux-là même qui ont ignoré les liens écrits qui l'attachaient au fondateur. L'agiographe de la Gallia n'admet qu'un autre seigneur d'Auvergne dans son énumération des quatre donateurs du début, Guillaume de Baffie; le quatrième est Guillaume de Poitiers, duc d'Aquitaine, dont la contribution fut naturellement la plus forte.

Mais il y a mieux, les biens donnés par Géraud de Turlande à la Chaise-Dieu furent précisément ceux de Brossadol. Les libéralités se continuèrent même pendant les premières années qui suivirent le décès de Saint Robert. Elles comprirent le fief paroissial de saint-Georges de Brossadol, des cens sur la chapelle de Saint-Michel de Brossadol et sur la léproserie de Saint-Thomas établie dans les territoires de Brossadol et de Saint-Georges, propriétés certaines des frères de Turlande provenant du père de Saint Robert au moment de la fondation.

Et comme les points accessoires s'expliquent de surcroît, lorsque la solution vraie du problème principal est dégagée, on comprend aussi, avec Géraud de Turlande père et fils seigneurs suzerains de Saint Georges de Brossadol, pourquoi Saint Robert, peu visiteur de sa nature en dehors des relations les plus étroites du sang, fréquentait particulièrement le château de Brossadol où l'hébergeait 'le père de famille' dont parle le moine Bertrand. La poussière du banc qui lui servait de siège, le contact du lit où il avait l'habitude de coucher à Brossadol opéraient des miracles. Ce père de famille de Saint Robert n'est autre que Géraud de Turlande.

Que ce soit son père ou son frère ainé, l'identité des prénoms a pu rendre le moine perplexe sur ce point, cela nous est assez indifférent. Ce château de Brossadol, le seul que l'on connaisse comme ayant été par lui habituellement visité, est, il est vrai, l'habitat des vassaux de son père et de ses frères ainés; mais nous savons, d'une part, que l'ainé était resté le suzerain allodial de la part de ses frères, et que, d'ailleurs, la possession utile des castra du temps était le plus souvent divisée entre plusieurs membres de la même famille, chacun possédant une ou plusieurs tours ou une partie de l'espace compris dans la grande enceinte, en outre d'une portion du territoire rural. De plus, les seigneurs directs et partiels de Brossadol vassaux des Turlande étaient eux-même, suivant les plus grandes vraisemblances, les plus proches parents paternels de Robert et de ses frères.

Les seigneurs de Turlande remplissent ainsi, sans exception aucune, toutes les conditions positives exigées par les documents pour la famille de Saint Robert; et elle seule les remplit. Il est donc Robert de Turlande.

Chapitre IV

LA MERE DE SAINT ROBERT

Qui était Raingarde, femme du premier Géraud de Turlande et mère de Saint Robert ? Le Livre tripartite nous apprend que saint Robert était le neveu de Rencon, évêque d'Auvergne de 1028 à 1053 environ. Rencon est un prénom tout à fait inusité dans la famille paternelle du fondateur de La Chaise-Dieu, voire même dans le province, et le prélat qui le porte est absent des actes intéressant les Turlande, c'est donc qu'il était un oncle maternel,

Cela ne nous avancerait guère si le meilleur érudit que l'Auvergne ait eu depuis longtemps, Augustin Chassaing, n'avait découvert dans un des nécrologues de Brioude ou du Chapitre cathédral qu'il était sur le point de publier, quand la mort l'a surpris, un passage où ce personnage est appelé Renco de Monte claro episc. Avern. Ceux qui ont lu cette mention ont pu facilement prendre son nom patronymique pour une inversion de Clarus mons, et c'est là sans doute pourquoi le nom de la famille de ce prélat est resté ignoré de nos catalogues épiscopaux. Il y eut des Montclar en Haute-Auvergne, en Velay, en Toulousain et en Rouergue dans l'arrondissement de Saint-Affrique. Les plus importants au moyen-âge étaient les maîtres d'un second Montclar du Rouergue. Ces derniers qui furent les vicomtes de Montclar du moyen-âge, eurent dans le Cardalès des possessions contigues à celles des Turlande et paraissent devoir être préférés.

Cette alliance concorde à merveille avec l'extension territoriale de la famille de Saint-Robert dans le diocèse de Rodez, sa dévotion à Sainte Foi et ses bienfaits à l'abbaye rouergate de Bonneval à laquelle ils donnèrent au moins un abbé au XIIe siècle.

Chapitre V

LES FRERES DE SAINT ROBERT

Les frères certains. - Jean de Bénavent; Bernard de Mels - Raymond le Miraculé et Raymond le Naufragé

Les frères certains

Géraud, mari de Raingarde, peut être considéré comme le fondateur du château de Turlande, bien qu'il n'en ait porté le nom qu'à la fin de sa vie tout au plus. Mais comme ce nom est porté avec le caractère patronymique par plusieurs de ses fils, entre autres Géraud, Pons et Rigaud, et que, d'autre part, on ne trouve rien de cet établissement féodal avant lui, il faut bien remonter et s'arrêter à lui.

Il eut de nombreux enfants. C'est le patriarche à une époque éminemment prolifique.

Nous en avons vu défiler sept dans les documents d'ordre positif, dont deux au moins furent d'église : Géraud, Pons, Rigaud, Guillaume, Raymond, le prêtre Deusdet et Saint Robert; n'y revenons pas. Il y en a deux autres discutables, Jean et Bernard. Raymond appelle également quelques explications. Il nous faut donc dire un mot de ceux-là; en prévenant toutefois le lecteur que nous entrons avec eux dans le domaine des inductions.

Jean de Bénavent et Bernard de Mels

Parmi les copossesseurs de l'héritage familial d'Orlhaguet avec Géraud II de Turlande et ses frères, il en est un pour qui la présomption de fraternité est très forte, c'est Jean. Il possède une part indivise d'Orlhaguet avec le chef de famille; il se joint à lui dans le même acte pour en disposer en faveur du même monastère de Conques; dans la charte 38 de Conques où il figure, tous les autres copossesseurs sont des frères prouvés de Géraud de Turlande; aucun étranger certain ne prend part à cet acte de famille. Il est d'autant plus à croire que Jean est le frère de Géraud qu'il y a non seulement copropriété de la terre entre lui et les frères de Turlande, mais indivision particulière d'une parcelle entre l'aîné et lui. Ce Jean parait avoir eu pour lot principal la partie de la terre primitive qui forma la seignerie de Bénavent, et n'être autre que Jean de Bénavent, lequel reçut aussi une part, avec Guillaume et son frère Robert alors prêtre, dans un corps de biens que la famille possédait auprès des seigneurs de La Roche-Donnezat au Puy-pendant, près de la Roche et de Gergovia en 1030-1040, où il avait pour voisins Guillaume frère de Robert, et le comte de Gévaudan. Il est le premier seigneur portant le nom de Bénavent que l'on connaisse, et il n'y avait alors aucun fief de ce nom en Auvergne.

Les copropriétés des premiers seigneurs de Turlande, Mels et Bénavent dans l'ancienne paroisse d'Orlhaguet au XIe siècle, cadrent fort bien avec l'existence primitive d'un territoire unique appartenant à leur auteur commun.

Aucun étranger certain ne prend part à cet acte de famille. Il est d'autant plus à croire que Jean est le frère de Géraud qu'il y a non seulement copropriété de la terre entre lui et les frères de Turlande, mais indivision particulière d'une parcelle entre l'aîné et lui. Ce Jean parait avoir eu pour lot principal la partie de la terre primitive qui forma la seignerie de Bénavent, et n'être autre que Jean de Bénavent, lequel reçut aussi une part, avec Guillaume et son frère Robert alors prêtre, dans un corps de biens que la famille possédait auprès des seigneurs de La Roche-Donnezat au Puy-pendant, près de la Roche et de Gergovia en 1030-1040, où il avait pour voisins Guillaume frère de Robert, et le comte de Gévaudan. Il est le premier seigneur portant le nom de Bénavent que l'on connaisse, et il n'y avait alors aucun fief de ce nom en Auvergne.

Les copropriétés des premiers seigneurs de Turlande, Mels et Bénavent dans l'ancienne paroisse d'Orlhaguet au XIe siècle, cadrent fort bien avec l'existence primitive d'un territoire unique appartenant à leur auteur commun.

Les éditeurs des Documents historiques du Carladès voient dans Bernard de Mels qui, le premier, prit le nom de cette terre en 1060-1062, un frère de Rigaud de Turlande, frère lui-même de Géraud II et conséquemment de Saint Robert. Cette conjecture se fonde sur ce que, à la même époque où les frères Géraud, Rigaud, Guillaume et Deusdet de Turlande donnaient à l'abbaye de Conques tout ce qu'ils possédaient, y compris l'église, ses terres et le fief presbytéral, pour y fonder un prieuré, Bernard de Mels et 'son frère Rigaud' complétaient cette libéralité en se démettant de leurs biens dans les mêmes objets au profit du même monastère; et comme dans la charte des frères de Turlande (n° 38 du Cartulaire de Conques sous la rubrique Breve de ecclesia Aureliageto, Rigaud est appelé en termes exprès Rigaldus de Turlanda, le moine rédacteur du résumé de la charte suivante n° 39 sous la rubrique Item de cadem ecclesia, a pu juger inutile de répéter le nom de Turlande à la suite du prénom de Rigaud, s'en référant à l'acte précédent pour cela, de même qu'il s'y réfère pour le nom du lieu. Tout en reconnaissant que la copropriété des Turlande et de Bernard de Mels dans Orlhaguet est de nature à fortifier cette hypothèse jusqu'à la rendre très plausible, on estimera néanmoins que l'absence du nom terrien de Rigaud dans la charte 39 lui laisse un caractère conjectural, vu que Bernard de Mels pouvait avoir, lui aussi, un Rigaud pour frère.

Chapitre VI

Raymond le Miraculé

Dans une charte rédigée vers 1035 figure Raymond 'frère de Géraud fils de Raingarde', c'est à dire Géraud de Turlande. Est-il Raymond chevalier 'riche à cinquante hommes d'armes' dont parle le Livre des miracles de Sainte Foi. Il y en a de très sérieux indices à défaut de preuves.

Suivant l'usage pour les cadets il avait été alloti surtout dans les terres maternelles aux confins des domaines des comtes de Toulouse. Sa principale résidence dans cette région était Vallières, dans la paroisse de Saint-Dier de Panat, aujourd'hui Villefranche de Panat, canton de Salles-Curan, arrondissement de Millau. A noter que les vicontes de Carlat l'étaient aussi de Millau et que Panat est près d'un Montclar. Mais c'était la coutume du temps d'attribuer quelque chose aux puînés dans les divers corps des biens paternels, et Raymon était en Auvergne le vassal de Pierre, clerc 'd'illustrissime race et très puissant par les dignités supérieures dont il était revêtu'.

En effet, ce Pierre était le lieutenant du comte d'Auvergne en Auvergne; le Cartulaire inédit de Paray-le-Monial nous le montre exerçant les fonctions de 'vicomte' jusqu'à l'extrémité septentrionale de la province, sur les marches de la Bourgogne; on n'en connaît pas d'autre après lui détenant le pouvoir vicomtal à titre de fonction. Ce haut personnage que Bernard, écolâtre d'Angers, a rencontré à Conques en 1020, lui a dit que Raymond était 'son chevalier'. Raymond avait donc suivi la carrière des armes.

En comprimant une sédition, il fut frappé d'un si furieux coup d'épée au travers de la figure qu'il en eut le nez et les lèvres abattus sur le menton, la langue presque entièrement coupée à la racine, un côté de la machoire tranché complètement, et l'autre à moitié; de telle sorte que son visage n'offrait plus qu'une énorme plaie béante d'ou pendaient des débris de chair et d'os. Ses fidèles et ses amis le rapportèrent en cet état dans sa maison et l'y gardèrent pendant trois mois entre la vie et la mort. Son affreuse blessure ne lui permettait pas de manger. On était obligé de lui ingurgiter des bouillies grasses par l'ouverture de la plaie. Le malheureux, à qui ce martyre était devenu intolérable, résolut enfin de se faire porter au tombeau de Sainte Foi, moins pour demander le prolongement d'une vie odieuse que pour solliciter la sainte de l'assister dans son passage à l'éternité, car il ne doutait pas qu'il ne fût perdu sans espoir. On devait l'emmener le lendemain matin, lorsque, durant son lourd sommeil, Foi lui apparut sous la forme d'une jeune fille surhumainement belle. Elle se mit en prière près de lui, termina par l'oraison dominicale, puis, se faisant son médecin, de ses doigts légérs remettant en place et consolidant chacune de ses dents noyèes de pus dans leurs alvéoles, elle rajusta la mâchoire pendante, et de son souffle divin rendit la forme et la vie à ce visage que la mort envahissait. Cela fait, elle lui recommanda d'aller à Conques rendre grâce au Saint-Sauveur.

Raymond s'éveille; les premières lueurs du jour teintaient l'horizon. Il porte les mains à son visage, tout y est à sa place. Peut-être il pourra parler ? Il appelle ses serviteurs, il demande à manger et sa voix retentit. Les domestiques, éveillés au bruit, se demandent d'abord quel est l'imbécile qui a faim de si bonne heure, mais, ô stupéfaction ! c'est la voix du maître. Ils se précipitent, ils allument des torches, ils accourent et trouvent Raymond bien réellement guéri.

Il leur raconte l'apparition, se rend aussitôt à Conques; puis, comme il était ignorant 'en sa qualité de laïque n'ayant jamais reçu d'instruction', il va trouver les moines pour leur faire conserver le souvenir du miracle dont je viens de traduire presque littéralement le récit contemporain.

Chapitre VII

Raymond le Naufragé.

Ce Raymond-là paraît aussi se rattacher à la famille de Saint Robert.

L'histoire de ce personnage est un étrange roman. Qu'on en juge.

Raymond voulut faire le pèlerinage de Jérusalem. Il partit vers l'an mille, jeune alors, néanmoins marié et père de famille. Après avoir traversé l'Italie, il s'embarque pour la Palestine à Luna, port d'Etrurie. Assailli par une épouvantable tempête, son navire est mis en pièces; tous ceux qui le montaient se noient à l'exception de lui-même et d'un seul de ses domestiques, assez heureux, l'un et l'autre, pour s'accrocher en coulant à des débris de mâture. Le serviteur est jeté sur la côte d'Italie d'où il regagne la France, y portant la nouvelle de la mort de son maître. Cependant Raymond, cramponné à son épave et ne cessant d'invoquer la grande Sainte Foi, est jeté sur la côte africaine après avoir été le jouet des flots pendant trois jours. La plage est déserte, il n'y trouve même pas des fauves. Au moment où il va expirer de fatigue, de soif et de faim, il est entouré par un équipage de pirates qui s'emparent de lui, le rembarquent et l'emmènent avec eux dans leur pays. On l'interroge dès que qu'il a repris des forces: il s'avoue chrétien, mais, pour ne pas éveiller l'avarice ou la férocité des pirates, il se dit paysan; sur quoi on lui met une pioche à la main et on lui fait piocher la terre; mais comme il pioche très mal, on le lacère de coups de fouet sans miséricorde. Il confesse alors qu'il est chevalier et qu'il n'a jamais connu d'autre métier que celui de la guerre. On s'en assure aussitôt, et les bandits demeurent émerveillé de l'art avec lequel il se sert des armes d'attaque pour porter les coups, du bouclier pour les parer

Ils l'emmènent désormais avec eux dans leurs expéditions. Le voilà forban; il devient même capitaine de ces écumeurs de mer. Dans un terrible combat contre d'autres pirates de la côte de Barbarie, les Berbères le font prisonnier après avoir dispersé ou massacré tous ses compagnons. il en prend son parti, se bat bravement pour leur compte, conquiert un grade élevé parmi eux, mais les Berbères sont vaincus à leur tour par les Sarrasins de Cordoue qui le capturent pour la troisième fois. Là encore, le captif devint un grand chef de guerre dont les musulmans s'énorgueillissent; d'où l'on doit induire qu'il avait pris le turban au moins pour la forme. L'aventurier est enlevé par les Arabes, puis pris sur eux avec une multitude de guerriers maures, par Sanche, comte de Castille, dans une grande et sanglante bataille. Ce fut probablement la bataille de Djebal-Quinto livrée en 1009, sur la terre d'Afrique, par Sanche aux arabes et au calife de Cordoue. Sanche apprend qu'il est chrétien et de noble lignée. Emu du récit de ses aventures, il lui rend la liberté.

Arrivé en vue de son château, Raymond se renseigne. Bien lui en a pris. Sa femme, qui le croit mort depuis quinze ans, y vit avec un autre époux et ses deux filles sont mariées. Il n'ose se montrer de crainte qu'on ne le tue, et il se cache chez des paysans, dans une pauvre cabane du village, comptant, pour conserver l'incognito, sur son costume de pèlerin et les changements que l'âge a produits dans sa personne. La malchance voulut qu'une femme du village le reconnut. 'N'êtes-vous pas Raymond qui partit pour Jérusalem et que je croyais avoir péri pendant la traversée ? ', lui demanda-t-elle. Il proteste, 'Ne niez pas, c'est inutile, je vous reconnais '.

Malgré ses protestations, la femme courut en cachette au château avertir sa maîtresse qui pensa plus dès lors qu'aux moyens de donner la mort, sans trop se compromettre, à ce malencontreux revenant. Sainte Foi, qui était apparue à Raymond pendant son sommeil, la veille de son départ d'Espagne, pour le prévenir qu'il avait été dépouillé de sa terre, mais qu'elle la lui ferait recouvrer en récompense de la confiance qu'il avait eu en elle au moment du naufrage, lui apparaît de nouveau, lui révèle le complot tramé par sa femme et, dans une troisième apparition, lui conseille de fuir au plus vite.

Il avait laissé un ami très dévoué dans le pays, le seigneur Hugues Escafred qui, voyant les jeunes filles de Raymond sacrifiées par leur mère au profit de son nouvel époux et sur le point d'être spoliées par elle, les avait prises sous sa protection et mariées à deux de ses fils. Au récit des sinistres desseins formés contre Raymond, Escafred assemble ses fils, ses gendres, ses fidèles, et rétablit son ami dans son château les armes à la main.

Maintenant, qui devait garder la femme? Procès. Il est jugé que c'est Raymond qui doit la reprendre et qu'il peut le faire sans déshonneur à cause de la bonne foi. Le second mari ne demandait qu'à s'en défaire; mais lui, Raymond, n'en voulut point, non parce qu'elle s'était remariée à un autre, mais parce qu'elle avait voulu le faire assassiner.

On ajoute, dit le capiscole angevin sortant ici de l'ordre des faits positifs, et avertissant le lecteur qu'il entre dans des racontars, on ajoute que les premiers pirates lui avaient fait boire une potion de simples ensorcelés par des incantations magiques, dont l'effet était d'abolir si bien la mémoire qu'il en oubliait et sa famille et sa maison. On dit que Sainte Foi la lui rendit, mais en partie seulement, pour que les lacunes dont elle restait entachée attestassent les malheurs de sa captivité et la merveilleuse intervention de Dieu en sa faveur.

Merveilleux, en effet, ce roman d'aventures d'avant la première croisade, mis en écrit tout chaud par le contemporain, et que je me suis borné à traduire au pied de la lettre sans y rien ajouter! Il n'y manque rien, ni la trahison, ni la bataille, ni la vertu récompensée, ni la belle, à cette seule différence près que la belle, c'est à qui en sera débarassé. Et, franchement, il y avait de quoi occasionner un peu d'anémie au cerveau du malheureux Raymond dans ses quinzes années d'avantures dramatiques, sans recourir à l'hypothèse de la boisson des pirates barbaresques. Et savez-vous comment, d'après l'auteur du récit, s'appelait leur pays, celui où ils conduisirent le naufragé? Le 'pays de Turlande!'.

Je n'ai pas été plus heureux que le savant éditeur du Livre des Miracles de Sainte Foi, et que les spécialistes versés dans la géographie ancienne et moderne des côtes africaines. Imposible de découvrir un pays de Turlande (le pays de la Tour), ailleurs que dans celui de la famille dont nous nous occupons (arrondissement de Saint-Flour et d'Espalion). Là, il en a même deux, aux deux extrémités de la Viadène; l'un, le chef-fief, en Auvergne sur la ligne divisoire arverno-rouergate, l'autre dans la commune d'Espalion; telles deux grandes bornes de la terre de Turlande. Le hasard fait rarement de ces coups, et l'on ne voit guère qu'une explication acceptable; le nom de Turlande s'est associé si intimément à celui de la famille et du pays natal de Raymond le Naufragé dans la pensée du professeur angevin, pendant ses deux derniers séjours à Conques, que, revenu chez lui, et prenant la plume pour écrire son récit, une facile confusion s'est opérée dans sa mémoire; la seigneurerie de Turlande, habitat de Raymond et des siens dans la vallée de la Truyère, est devenu le pays qu'il avait habité chez les pirates barbaresques.

Autre particularité utile à noter. Le nom d'Escafred est assez peu banal pour se prêter à l'équivoque. Or cette famille méridionnale eut au moins une branche en Rouergue et en Auvergne, du XIe au XIVe siècle.

Ce Raymond fit son offrande à Sainte Foi et c'est à sa reconnaissance que doit être attribué le don fait à Conques par lui, de concert avec son frère Géraud, de biens situés en Toulousain vers 1010, à une date qui correspond avec son retour de captivité.

Doit-il être identifié avec son homonyme, le chevalier de Pierre lieutenant du comte d'Auvergne, le donateur de Vallières, frère de notre saint dont nous venons de parler? Raymond le miraculé et Raymond le Naufragé seraient-ils un seul personnage? Cela se peut en supposant une vingtaine d'années de différences dans l'âge des deux frères, Géraud II et Raymond, ce qui n'est pas sans exemple, surtout si Géraud eut une autre femme en outre de Raingarde. Dans ce cas, nous aurions quelques lueurs sur la bigame du roman. Ce serait lui, Raymond, le mari d'Albrade. La notice du capiscole fait rentrer Raymond dans son château et reprendre la vie commune avec sa femme après que la paysanne l'a reconnu; la sainte le lui avait ordonné. Ils auraient fait alors ensemble la donation de Vallières; et ce n'est que lorsque les criminels projets d'Albrade, retardés par une maladie et des circonstances défavorables, furent arrêtés dans son esprit, que sainte Foi l'avertit dans un songe de fuir pour se soustraire à leur exécution. Le nom d'Albrade est aussi peu ordinaire que celui d'Escafred. On ne le retrouve qu'une autre fois dans les noms feminins de la région. Elle avait épousé un seigneur prénommé Jean; celui-là serait "l'homme beau entre tous" dont elle s'était éprise et qu'elle avait épousé, se croyant veuve après le naufrage. Elle serait retourné avec lui après la mort de Raymond, et elle en aurait eu deux fils, dont l'un Didier, rappelle le patron de la paroisse où se trouvait son doamine de Vallières. Ensemble, ils firent la donation au prieuré de Sauxillanges d'un champ situé à 'al. Badolento' dans la viguerie d'Usson (Badanclant, commune de Mazoires, canton d'Ardes ?), lequel confinait aux terres de Géraud, de Guillaume et de Robert, nous retrouvons ici le nom des trois fils certains de Géraud et de Raingarde.

Chapitre VIII

LES GRANDS PARENTS DE SAINT ROBERT; LEURS RAPPORT AVEC REILHAC

Presque tous les agiographes qui ont recueilli la tradition ancienne de La Chaise-Dieu ont constaté les relations des ascendants de Saint Robert avec un lieu portant le nom de Reilhac. J'ai démontré par deux actes dont le rapprochement est péremptoire que cette tradition était fondée, et que sa famille était bien propriétaire à Reilhac en Brivadois. L'étude des maîtres de ce lieu au temps de ses grands parents va nous révéler ceux-ci par de multiples et de singuliers rapports de noms de lieux et de synchronismes. Ce ne sera pas l'évidence matérielle cependant, comme pour son père, sa mère et ses frères de Turlande; ce sera du moins une grande vraisemblance. C'est sous ses réserves que je crois devoir consigner les notes qui suivent.

Sous le roi Lothaire, un seigneur du nom de Géraud épousa Ingelberge, dame de Reilhac, très probablement de la famille de Béraud 1er de Mercoeur. Je me sers ici des termes de dame et de seigneur, bien qu'ils ne fussent pas en usage chez les nobles de la fin du X° siècle, parce que si la qualification de dominus et de domina ne leur est pas encore donné dans nos cartulaires, ils n'en possédaient pas moins le seigneurat sauf les droits régaliens.

Reilhac était le chef-lieu primitif d'une vaste paroisse du canton de Langeac, arrondissement de Brioude, qui s'étendait dans la vallée de Cronce, depuis Arlet jusqu'à la source de cette petite rivière dans la chaîne de la Margeride entre Brioude, Saint-Flour et Ruines. Elle dépendit, au X° siècle, du comté de Brioude et, suivant les époques, de la viguerie de Rageade (canton de Ruines, arrondissement de Saint-Flour) ou celle de Chanteuges. Avant Ingelberge, on trouve le lieu dans le domaine des seigneurs de Mercoeur; dans celui d'Itier Ier tige de cette race d'après son testament de 936, où il figure avec le Mercoeur du canton de Lavoûte-Chillac, situé près de là, le vrai, le plus ancien Mercoeur, celui d'où la race a tiré son nom, qu'elle a communiqué ensuite au Mercoeur d'Ardes; et avec Rageade, les Loudières (commune de Rageade), le Fayet (commune de Mentières) et Reyrolles (commune de Saint-Georges , canton nord de Saint-Flour). La villa Rialago passe à son fils aîné, Béraud Ier, qui dispose vers 970-982 de ce qu'il y possède par le dernier acte connu de lui. Il résulte de ces deux actes, très intéressants au point de vue géographique, que la viguerie dont Reilhac faisait partie englobait alors toute la Margeride, versants Cantal et Haute-Loire, depuis Mercoeur et La Chapelle-Laurent jusqu'à Mentières et à la paroisse de Saint-Georges de Brossadol près de Saint-Flour, et même jusqu'à Védrine-Saint-Loup. Rageade et Chazelle (arrondissement de Saint-Flour), membres de cette viguerie, sont même plus près de Reilhac et de Langeac que de Saint Flour. Le fait a son prix au point de vue du voisinage des Turlande.

Cette circonstance que Reilhac sert d'apanage à Ingelberge aussitôt après Béraud Ier de Mercoeur, le père de Saint Odilon, la convenance des dates, les rapports plus intimes que l'on trouve à partir de cette époque entre la famille des Mercoeur et celle des seigneurs de Turlande et de Solignac, donnent à croire qu'Ingelberge fut une des filles de Béraud, une soeur par conséquent de Saint Odilon, abbé de Cluny. Ce dernier ne la nomme pas, il est vrai, dans la charte de fondation du prieuré de Lavoûte, près de Brioude, où il énumère les membres de sa famille la plus proche; mais il n'y nomme pas tous ceux qui sont morts, il s'en faut; il se contente, pour plusieurs de donner le nom de ses neveux ou petits-neveux vivants. En outre, il dit avoir eu plusieurs soeurs et plusieurs neveux issus d'elles; et dans un membre de phrase séparé, il met ensemble, à coté l'un de l'autre, parmi ses neveux ou petits-neveux "Géraud et Robert" dans l'ordre de primogéniture qui fut précisément celui de Géraud de Turlande et de son frère Robert.

Or, d'une part, en 1025, Saint Robert était à Brioude et probablement non encore engagé dans les ordres; et il est certain, d'autre part, que Géraud, mari d'Ingelberge, eut un fils aîné du nom de Géraud; ce serait dans ce Géraud là qu'il faudrait voir le père de Saint Robert et de ses frères de Turlande.

Ingelberge eut trois maris. Du premier, qu'elle épousa fort jeune suivant l'usage et qui paraît avoir été Bernard fils de Bernard et de Goda de Vielle-Brioude, veuve d'Erail, tige des comtes du Gévaudan, il lui vint un fils Gausbert; du second, Ebrard, de la famille des seigneurs d'Usson, épousé vers 969, on ne lui connaît pas d'enfants. Le troisième fut Géraud. Ce fut avec son second mari Ebrard, qu'entre 970 et 975, elle gratifia l'ordre de Cluny d'un vignoble, d'une mansion et d'autres immeubles pour fonder le monastère de Reilhac qui fut, au siècle suivant, annexé au prieuré de Lavoûte fondé par tous les Mercoeur réunis et dotés par eux. Le jeune Gausbert s'associa à sa mère et à son beau-père Ebrard dans cette oeuvre. Ils voulurent être inhumés à Reilhac, indice que là était alors la résidence d'Ingelberge dans le pays: "si nous tombons dans le besoin, disent-ils tous les trois, Cluny devra venir à notre secours en nous fournissant le nécessaire à l'aide des revenus de Sauxillanges, et le moine qui aura l'obédience de Reilhac sera tenu de nous donner la sépulture".

Ils étaient cependant parmi les plus riches de ce monde; l'amende d'éviction pour le don d'Ingelberge était fixé à 400 sous, celle de la donation de Gausbert à 300 sous, signe de largesses assez considérables; mais nul seigneur, si puissant fût-il, n'était, à cette époque de la révolution féodale, à l'abri des revers de fortune. Deux donations complémentaires des vignobles de Reilhac faites par Gausbert à Cluny pour la même oeuvre, sous le règne de Lothaire terminé au commencement de 986, sont souscrites par Géraud. Ce dernier avait un frère Bernard, lévite entre 954 et 986, qui disposait alors d'un vignoble et d'un courtil situés à Reilhac pour l'âme de ses parents et de son "seigneur Etienne" qui paraît être Etienne Ier, vicomte de Gévaudan. Il donnait au même monastère, aux environ de l'an mille, une saussaie située à Mermech (Saint-Jean-en-Val près d'Usson).

Ce premier Géraud vivait encore avec sa femme Ingelberge sous le règne du roi Robert et l'abbatiat de Gilbert à Conques, c'est à dire entre 996 et 1004. Il n'était plus de ce monde au mois de mars 1019.

L'aîné de ses fils fut Géraud, seigneur de Turlande, que nous connaissons, et il eut deux filles au moins, Durante et Gilberte ou Girberge. Avec un autre de ses fils, non moins prouvé, nommé Albuin, il donna avant 994 à Sauxillanges, sous l'abbatiat de Mayeul, une vigne et une mansion sises à Vinzelle, dans le comté de Talende en Basse-Auvergne. Ils firent ensemble ce don "pour leurs âmes, celle d'Ingelberge et de tous leurs parents", sans distinction des vivants et des morts. Géraud et Ingelberge se trouvent ainsi constatés à la fois en Auvergne et en Rouergue, avec des propriétés dans les deux provinces et des libéralités aux monastères des deux diocèses, tout comme les membres de la famille de Turlande à la génération suivante. Ils fondent le prieuré de Reilhac dans la première comme leurs fils fonderont celui d'Orlhaguet dans la seconde.

Avec son fils Géraud qui fut le père de Saint Robert, ses deux filles et sa femme Ingelberge, Géraud vendait en 966-1004, à l'abbaye de Conques un capmas allodial avec jardin, vignobles et mansions dont il ne précise pas la situation autrement qu'en disant qu'ils confrontent à la fois aux terres de Saint-Julien (de Brioude), de Sainte-Foi (de Conques), de Saint-Pierre (de Sauxillanges) et de Saint-Géraud (d'Aurillac). Cette rare rencontre des propriétés des quatre monastères sur un même mas se produit dans la banlieue de Saint-Flour, notamment dans la Planèze et aux environs de Talizat, c'est-à dire près des domaines des Turlande.

Pour aller à Reilhac, en partant soit de Saint-Georges de Brossadol, près de Saint-Flour, soit de Turlande, il était nécessaire de traverser la chaîne de la Margeride, pays de pampa, de pâturages déserts et de plusieurs milliers d'hectares de forêts de sapins. Cette région répond à merveille à la solitude où Raingarde fut surprise par les douleurs de l'enfantement lorsqu'elle se rendait dans un château d'Auvergne pour y faire ses couches. Il faut donc renoncer aux versions variées non moins que contradictoires des écrivains plaçant le lieu de la naissance de Robert soit à Aurillac, par suite de l'analogie de consonnance avec Reilhac, soit en Rouergue dans un bois près de de l'église de Cabrespine, commune de Coubizon, canton d'Estaing, soit au Rilhac de la commune de Rouziers, canton de Maurs, arrondissement d'Aurillac, sur les confins du Lot et du Rouergue. On comprendrait encore le choix de Rilhac ou Reilhac, commune de Vergongheon, canton d'Auzon, arrondissement de Brioude, dont l'existence est prouvée dès 896; mais le Reilhac de la viguerie de Rageade ou de Chanteuges en Brivadois, est celle qui, de beaucoup, convient le mieux.

Avant d'épouser Raingarde, la mère de Saint Robert, Géraud avait eu une première femme Emeldis possessionnée sur la seigneurie de La Roche et de Donnezat, dans l'ancienne viguerie de Talende et sous la montagne de Gergovia (canton de Veyre-Monton, arrondissement de Clermont). Peut-être fut-elle une petite-fille de Bertrand fils d'Erail et d'Emildis, tiges des comtes de Gévaudan, de Guillaume et Bertrand frères de Pons, et de leur soeur Philippie femme du comte Guillaume IV d'Auvergne. Divers rapports de noms et de biens, notamment autour de Gergovia et en Brivadois, sembleraient l'indiquer; mais ceci n'est qu'une conjecture.

Chapitre IX

L'ORIGINE DU PREMIER GERAUD -- LES VICOMTES DE CARLAT.

Les récents historiens du Carladès qui ont poussé plus loin que personne ne l'avait fait avant eux l'étude des origines des fiefs de ce pays et de leurs maîtres d'après les seuls documents contemporains,Bien que la partie historique antérieure au XIV° siècle soit l'oeuvre de Gustave Saige elle n'a été publiée qu'après communication et avec l'approbation du comte de Dienne; de sorte que nous ne pouvons séparer les deux collaborateurs d'une oeuvre où l'un apporta l'expérience d'un chartiste consommé, lauréat de l'Ecole des Chartes dès ses débuts, et l'autre sa connaissance appronfondie d'une région ignorée de l'autre et d'un personnel historique où il retrouvait sa propre famille. On ne peut oublier, du reste, que c'est en suivant la piste des archives du Carladès de Paris à Monaco, que Mr de Dienne amena la découverte de ce fonds alors inexploré et même inconnu, dans les archives de la principauté, et par conséquent de sa publication. ont abouti, pour les seigneurs de Turlande, de Mels et de Bénavent, à la conviction non seulement que leurs seigneuries furent des démembrements d'une même terre mais qu'ils sortirent d'une même souche. Ils leur donnent pour auteur commun Gilbert Ier, vicomte de Carlat, mari d'Agnès, laquelle mourut veuve dans un âge avancé, après avoir testé vers 1010, 1012 au plus tard.

Il est certain, d'après le testament d'Agnès, qu'elle possédait dans son patrimoine personnel le pays de Viadène et tout au moins une très grande portion des vigueries de Bromme et de Barrès, sur lesquelles s'étendait la partie méridionale de la terre de Turlande. Elle partagea ce vaste territoire entre ses trois fils: Gilbert qui fut Gilbert II troisième vicomte connu de Carlat, Géraud et Bernard.

Il résulte encore de son testament que Gilbert et Bernard reçurent d'elle chacun la moitié de la châtellerie de Mels contigüe aux terres de Bénavent et Turlande; que Géraud en eu Alpuech dans le pays de Viadène (canton de Sainte-Geneviève) et Mandillac (commune de Thérondels au pays de Barrès) séparée de Turlande par le seul lit de la Truyière. A ces deux branches advinrent aussi Nigreserre et le fief de l'immense paroisse primitive de Raulhac. Turlande lui-même relevait du vicomté de Carlat.

Il est non moins certain que le 16 juillet 1266, Pierre de Turlande, descendant de Géraud père de Saint Robert, possédait encore Nigreserre et sa part de Raulhac, et qu'il en faisait hommage à Henri de Rodez vicomte de Carlat, comme dépendances de sa terre de Turlande, avec Lacapelle-Barrès et tout ce qu'il avait sur les paroisses de Bromme, Jou, Saint-Clément, et entre les rivières de Sinicq et de Cère, ce qui englobe Raulhac.

Il est de plus établi par un compromis conclu à Turlande le 21 août 1252, que Pierre et Aldebert de Carlat, autre famille descendant des vicomtes, étaient coseigneurs de Turlande; que vers le même temps Pons de Carlat, autre famille descendant des vicomtes, étaient coseigneurs de Turlande; que vers le même temps Pons de Carlat épousait Marthe de Bénavent, d'où serait venue la seconde maison de Bénavent qui réunit cette seigneurie à celle de Mels.

Du haut des ruines de Turlande, l'oeil possède une considérable partie de ces domaines du Barrès qui commencent à ses pieds même et l'entourent.

Il est démontré de plus que le premier seigneur de Mels connu, Bernard frère de Rigaud, que MM. Saige et de Dienne estiment être Rigaud de Turlande, copossédait une part d'Orlhaguet vers le milieu du XI° siècle;

Qu'enfin Deusdet de Turlande, prêtre, frère de Géraud et de Saint Robert, reçut du vicomte de Carlat, Gilbert Ier, le don d'un alleu situé à Bromme et qu'il l'offrit à Sainte Foi de Conques pour l'âme de ce vicomte, de sa femme Agnès et de ses trois fils, en intervertissant l'ordre de primogéniture et en nommant Géraud le premier, exception que seul pouvait se permettre un descendant.

La race féodale qui prit le nom de Turlande dans la première moitié du XI° siècle serait donc issue des vicomtes de Carlat. Mais quel est l'auteur de la branche ? Est-ce notre Géraud, mari d'Ingelgerbe et d'Emeldis, qui fut le fils d'Agnès et de Gilbert Ier ? Est-ce Bernard ainsi que le supposent les derniers historiens du Carladès ? La postérité de l'un aurait-elle hérité de l'autre dès les débuts ? Il est difficile de se prononcer avec précision, bien que Géraud paraisse infiniment préférable.

Concluons: Saint Robert est Robert de Turlande, cela est démontré. Qu'il descendît des premiers vicomtes de Carlat, c'est tout ce qu'il y a de plus vraisemblable; ainsi se justifierait l'épithète de vir clarissimus dont le moine Bertrand s'est plu à le décorer un siècle après sa mort, et la légende qui lui a donné une très illustre origine.

Marcellin BOUDET


notes

dimanche 22 septembre 2013

Si la famille m'était contée

Si la famille m'était contée

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Chapitre I

Mamie Jeannette Turland à Maxime 4 ans et demi et Suzanne 3 ans et demi mes petits enfants et à mes autres petits enfants à venir1.

A Orlhaguet, petit village près du canton de Ste Geneviève sur Argence, dans l'Aveyron, vivait autrefois, Pierre Turland, qui signa comme témoin des actes de vente et de reconnaissance de dot, chez des notaires de Ste Geneviève en 1621 et 1623. C'était peut-être le grand-père de:

  1. Jean Turland d'Orlhaguet décédé en 1754, époux de Catherine Cros (c'est le premier des ancêtres connu au sûr de la famille de mon père). Il a eu deux fils: Jean Turland marié vers 1730 à Marguerite Soubayrol de Vines,
  2. et Pierre Turland du Puech d'Orlhaguet dit "Midou". Il épousa en 1735 Raymonde Brauge d'Orlhaguet. Pierre était tisserand. Il a eu deux fils: Pierre Turland, tisserand aussi au Puech d'Orlhaguet, marié le 20 Juin 1757 à Jeanne Cambournac d'Orlhaguet,
  3. et Jean Turland qui était également tisserand au Puech d'Orlhaguet, qu'on surnomme « Midou » comme son père, marié le 21 Mai 1758 à Anne Carbonnel du Puech d'Orlhaguet. Ils eurent trois enfants: Madeleine Turland née le 7 Juin 1772, Marie Rose Turland née le 3 Mars 1775,
  4. et Jean Turland qu'on appelait aussi « Midou », époux de Marguerite Mondou de Malentraysse. Ils eurent 6 enfants: Geneviève 15 Pluviôse an 8, Suzanne née en 1805, Marie Jeanne née en 1811, Laurent né le 7-4-1812, mort le 13-7-1848, Jeanne née le 18-09-1816,
  5. et Jean Turland toujours au Puech d'Orlhaguet, né le 1-4-1808, décédé le 5-2-1860. Il était cultivateur. Il a épousé le 9-11-1852 Françoise Andrieu de Cassuéjouls. Ils ont eu quatre enfants: Marie Jeanne 14-10-1853 au 6-11-1853, Pierre 22-1-1855 au 16-3-1938, Marie née le 20-10-1856,
  6. et Auguste Turland 16-6-1858 au 11-4-1909 qui a épousé le 25 Octobre 1884 Rosalie Anaïs Gaillard de Rives du 7-2-1864 au 24-12-1945. Auguste Turland et Rosalie Anaïs Gaillard sont mon grand-père et ma grand-mère paternels.

Ma mémoire peut maintenant vous raconter ce dont je me souviens et ce que ma tante Anaïs m'a raconté d'eux.

Chapitre II

Le nom de TURLAND

Il2 ne faut pas attribuer trop d'importance à l'orthographe des noms propres, surtout aux époques reculées où peu de gens savaient écrire. Les noms de famille étaient à la merci du scribe de l'état civil! Et puis il y une évolution spontanée vers la francisation des noms occitans (MOULHAC devient MOULIAC) vers la simplification (TURLAND devient TURLAN), glissement insidieux qu'il faut sans cesse faire rectifier ...

Alors, TURLANDE ?, TURLAND et TURLAN ? On peut penser à une origine commune.. On admet qu'on a utilisé des « seconds noms » (en plus des prénoms) au XIIe siècle, à partir desquels se sont constitués les noms de famille (patronymes) héréditaires et fixes, vers le XIVe siècle. Le lieu d'origine pouvait (entre autres) donner des noms, et l'on peut penser que le village de TURLANDE (commune de PAULHENC, Cantal), berceau de la noble famille du même nom dès le Xe siècle, a plus tard donné ce nom à des personnes ou familles qui en étaient issues. On observe d'ailleurs un certain regroupement des TURLAN ou TURLAND dans le Nord-Ouest de l'Aveyron et le Sud du Plomb du Cantal, jamais très loin de ce lieu historique où subsiste une chapelle de pèlerinage.

Alors, TURLAND ou TURLAN? C'est un faux problème si l'on tient compte de l'occitan: dans la langue parlée, il est d'usage de désigner la femme par son nom de mariage mis au féminin. Or on dit toujours « lo Turlándo »., que le nom s'écrive avec AND ou AN, et jamais « lo Turlano ».

Par ailleurs (textes anciens, cartes ..) TURLANDE est parfois orthographié TURLAND.

ORLHAGUET

On avance souvent qu'Orlhaguet tirerait son nom de la noble et puissante famille d'ORLHAC (parente de celle de TURLANDE), issue des anciens comtes d'Auvergne, qui possédèrent longtemps la baronnie de Thénières, voisine et suzeraine de la terre d'Orlhaguet.

En fait, il faut remonter au moins au début du IXe siècle avec AURELIAGETUM (Orlhaguet actuel), chef-lieu de la VICARIA AURELIACENSIS (ou MINISTERIUM AURELIACENSE), qui allait de MESSILHAC (près de Vallon) à CHANIèS, selon les anciennes chartes.

Les chartes 37 et 38 (1060-1062) rapportent la cession à l'Abbaye de Conques des deux églises d'Orlhaguet (St Etienne et St Amans) par Gérald (seigneur de Mels?) et son frère Pontius (ou Pons) de TURLANDE (C'est semble-t-il, la première fois que l'on retrouve le nom de TURLANDE dans des écrits concernant la région.) Mais cette famille existait déjà au Xe siècle: Robert de TURLANDE (1001-1067), fils cadet de Géraud de TURLANDE et Raingarde de MONTCLARD, abandonna en 1043 son chapitre de Brioude pour la Chaise-Dieu, où il fonda la célèbre abbaye (canonisé sous le nom de Saint Robert).

L'actuelle église d'Orlhaguet, édifiée à l'emplacement de l'ancienne église St Etienne à l'époque romane, sur les ruines d'une époque troublée, puis remaniée au gothique, est surmontée de constructions massives élevées au XIVe siècle en vue de résister aux anglais.

Vers 1850 un sarcophage gallo-romain aurait été trouvé près de l'emplacement de l'ancienne église St Amans (vers la maison AUZOLE).

On trouve, dans le village et ses environs, plusieurs croix qui ne sont pas sans mérite d'exécution. En particulier, dix d'entre elles, de style analogue mais très variées, sont probablement l'oeuvre du même artiste: quelque prieur génial. La croix du Pont, l'une des plus belles, porte la date de 1561 et les initiales MIC qu'on lit sur la plupart des autres croix. Sur une autre on peut lire un fragment d'inscription; « Crux salvatoris protegat nos omnibus o ... »

Chapitre III

Mon grand-père Auguste Turland

Auguste Turland mon grand-père paternel est donc né au Puech d'Orlhaguet. Orlhaguet est un petit village (Le Puech est une partie du village ) à 3 km environ de Ste Geneviève sur Argence, au nord de l'Aveyron. Ce que je sais d'Orlhaguet est tiré de l'annuaire illustré de la « société amicale des originaires de Ste Geneviève, année 1911 , complété par des articles divers, notamment du Bulletin de la Haute Viadène».

Lorsque mon grand-père a eu 5 ans, c'était en 1863... A cette époque, les agriculteurs, souvent sur une ferme de petite surface, avaient des difficultés à vivre avec leur famille. Aussi, lorsque les enfants atteignaient cet âge, on les plaçait pendant l'été pour garder le troupeau dans une ferme des environs qui était souvent plus importante. L'été se comptait de Pâques à Toussaint. Le reste de l'année les enfants allaient à l'école (du moins la plupart). Mon grand-père y est allé.

Donc mon arrière grand-père a loué le petit Auguste, qui avait 5 ans et l'habitude d'accompagner les bêtes de la maison dans les pacages. Mais Jean qui aimait bien ses enfants, n'a pas tardé à aller par surprise, contrôler comment était traité son petit garçon chez son patron. Certains maîtres étaient parfois durs avec leurs petits bergers. Ayant constaté qu'il était mal nourri, il l'a ramené chez lui. Auguste a eu sans doute d'autres expériences meilleures chez d'autres patrons car je n'en ai pas entendu parler.

A cette époque, la paie se composait en général du coucher, de la nourriture, d'une paire de sabots neufs et d'une paie de 5 sous à la fin de la saison. Pendant ce temps les parents avaient une bouche de moins à nourrir. C'était important pour les familles à cette époque car elles survivaient difficilement sur ces petites fermes.

Le reste de l'année le petit garçon allait à l'école et au catéchisme. Après l'école il aidait souvent à la ferme, et emmenait quelques heures les vaches (ils avaient aussi quelques moutons) au pâturage collectif de la commune. On appelait ces terres des communaux. Les bêtes et les enfants du village s'y rencontraient. Tout en surveillant leur petit troupeau, les enfants jouaient seuls ou avec leurs petits camarades.

Les produits du troupeau, veaux et agneaux, étaient vendus aux foires du pays. Elles étaient nombreuses et on allait parfois loin à pied avec les bêtes dans l'espoir de les vendre mieux. C'était le seul argent qui rentrait dans les bourses des familles et on l'économisait le plus possible.

Pour la nourriture, on faisait avec les produits de la ferme. On élevait un cochon qu'on nourrissait avec des pommes de terre, du petit lait produit de la confection du fromage, même les eaux de vaisselle un peu grasses et les glands qu'on ramassait à l'automne par pleins sacs sous les chênes. A ce travail les enfants participaient comme à tous les petits travaux selon leur force et leur âge. On avait quelques volailles qui cherchaient autour de la maison une bonne part de leur nourriture. On leur réservait les triures des grains ou ceux de mauvaise qualité.

Pour cultiver les petits champs, on domptait une paire de vaches qui charruait la terre attelée à un araire (charrue formée d'un corps et de mancherons en bois avec à l'avant un soc en fer qui traçait des sillons en soulevant la terre).

La paire de vaches, attelée au char, faisait aussi le transport des pommes de terre, des gerbes de seigle, d'avoine, d'orge ou de sarrasin. Elles faisaient dans un tombereau le transport du fumier dans les champs, et sur un char, les sacs de blé vers le moulin et de la farine vers la maison. Les petits moulins étaient des moulins à eau sur les ruisseaux. Sur le char on ramenait aussi le foin à la grange pendant l'été.

La nourriture: Chacun faisait son pain dans son four ou dans le four commun du village. Avec la farine on faisait aussi des bouillies avec du lait. On y ajoutait quelques oeufs à la saison où les poules pondaient. On mangeait souvent le matin des crêpes à la pâte levée de farine de sarrasin. On appelait cela « les pascajous ».

Dans le jardin ou le champ, on cultivait des pommes de terre, des haricots secs, des choux, des pois, des raves, des carottes qui servaient surtout pour faire la soupe avec un morceau de lard salé, de saucisse sèche ou de viande de porc conservée dans la saumure. Cette soupe trempée de pain coupé en tranches était mangée 3 fois par jour, le matin, à midi et le soir. C'était la base de la nourriture. On mangeait aussi des pommes de terre confites3 dans la graisse de porc, du fromage fait avec le lait des vaches et de chèvres (on en avait souvent une ou deux avec les brebis), une volaille de temps en temps, souvent réservée aux jours de fête.

Si l'on pouvait élever quelques oies ou canards, on les mettait au confit, c'est-à-dire cuits dans leur graisse et conservés recouverts de graisse dans les toupines de grès pour quelques repas d'hiver. Dans chaque maison, on mangeait ce que l'on produisait.

L'argent était dépensé avec parcimonie pour les vêtements, les sabots, le sel, le sucre en pain et l'huile. Si on avait quelques noyers, on gardait les noix pour aller faire de l'huile aux moulins à huile. On y apportait aussi les noisettes sauvages. Il fallait payer le meunier pour l'huile et la farine ainsi que le docteur où on allait en cas d'extrême nécessité, ou plutôt qui venait souvent bien tard. On se soignait comme on pouvait, on connaissait les vertus de plantes. Ainsi on économisait le plus possible et souvent cet argent servait à acheter un peu de terre pour agrandir la ferme, afin que leurs enfants ou petits enfants aient une vie moins dure qu'eux.

Par tradition c'était l'aîné des garçons qui restait à la ferme. Les autres enfants cherchaient à gagner leur vie ailleurs dans un autre métier, à moins qu'ils ne se placent comme valets dans de grosses fermes.

Pierre était l'aîné, aussi Auguste quand il a eu 15 ou 16 ans a été loué pour la saison d'été et les grands travaux des récoltes. Puis il a émigré à Paris pour chercher du travail comme beaucoup de ses camarades.

A 20 ans, en 1878, il est inscrit au matricule du 5° bureau de recrutement de la Seine sous le n° 1683 classe 1878, par suite de changement de domicile. Son livret militaire porte son signalement.

Classé dans le service auxiliaire pour claudication, suite de fracture de la cuisse gauche, il a effectué son service dans la conscription de Rodez. Son livret porte le n° 1622 le 1er Juillet 1879. Son métier était garçon charbonnier. Il a continué ce métier à Paris après son service militaire.

Il fait un changement de résidence à St Mandé (Seine) le 17 Mai 1881, ensuite pour le 12 rue Oberkampf à Paris le 11-01-1883 et enfin pour le 14 rue Lesage, Paris le 15 Octobre 1883. Ce sont les adresses de ses employeurs successifs.

Il se marie le 25 Octobre 1884 avec Rosalie Anaïs Gaillard.


Livret Militaire

Avec Rosalie Anaïs, ils ont acheté un fond de commerce de bois et de charbon à la Varenne St Maur succédant à monsieur Antraygues, boulevard de Créteil.

Bientôt ils ont acheté une maison, non loin, je pense, de leur commerce, dans un petit jardin 29 passage des Ormeaux à St Maur. Il a décidé en 1889 de faire réparer cette vieille maison pour aller y habiter. Le 26 Juillet 1889, il commande un puisatier, M Masson, pour recreuser le puits avec une réserve d'eau d'au moins un mètre. Il doit payer les trois quarts; sitôt les travaux finis plus 24 francs en charbon de terre et le reste un mois après, prix total des travaux 137,19 francs. Le 5 avril 1889 il fait faire les 64m86 de mur de clôture du jardin pour 349,25 francs. Le 8 Mars 1890, les 2 cheminées de la maison sont posées avec leur rétrécissement en faïence et rideau, contrecoeur en brique et carreaux par la maison Jules Chemin pour 43 francs l'une, soit 86 francs. Le 2 Octobre, il a fait faire un escalier extérieur de 12 marches par Adolphe Montignies marchand carrier des carrières de la Pie pour 76,70 francs, 25 francs de charbon plus 34,45 francs à l'architecte au 4ème trimestre 1890.A Monsieur Balduc, menuisier, il commande des menuiseries pour la chambre à coucher de devant, la chambre à coucher de derrière, la salle à manger, la cuisine, le vestibule, une porte d'entrée en chêne, des portes d'intérieur en sapin, 4 croisées en chêne à 2 ventaux, 4 paires de volets persiennes en chêne, cabinet d'aisance, serrurerie etc.. Le tout payé le 16 Mars 1890 pour 56,18 francs (non pour l'achat de tout cela, mais pour des rectifications et des arrangements) et au milieu de tout cela le 1er Juillet 1889, l'achat d'une montre en or, double cuvette or N° 12778 et une chaîne or pour 300,00 francs (qui a été transmise à Gustou, à qui elle a été volée).

Ils ont dû s'y installer aussitôt fini. Déjà Anaïs et Jean Auguste, leurs deux premiers enfants étaient nés.

Le métier de charbonnier était un rude métier à cette époque. On livrait le charbon avec une charrette à bras. On montait le charbon, sac sur le dos, dans les appartements, dans les étages des immeubles où les gens se chauffaient avec des poëles et cuisinaient avec des cuisinières à charbon.

Ayant beaucoup peiné et transpiré, il a pris un jour un refroidissement et a été très malade de pleurésie. Il en a guéri mais est resté fragile.

Ils ont décidé de revenir à Ste Geneviève, travailler la ferme du père de Rosalie Anaïs. La vie serait plus saine à la campagne. Le changement de domicile est daté du 20-07-1891. Ils ont beaucoup regretté de vendre la maison qu'ils avaient si bien arrangée et où ils n'avaient vécu qu'un an.


Le premier toit à droite est le toit de la maison et de la grange de Guillaume. La maison à gauche, est celle bâtie par mon grand-père Auguste. Le toit du milieu recouvre la grange et l'étable bâtie par mon père pour agrandir celle de Guillaume.


A Ste Geneviève, ils ont eu 3 autres filles, Françoise Henriette dite Henriette en 1893, Marie en 1898 et Jeanne Emilie dite Emilie en 1902.

La santé d'Auguste n'était toujours pas très bonne. Il fût malade plus gravement et est mort en 1909, le 11 Avril. Ma grand-mère courageusement a continué de vivre sur la ferme.

Pendant le temps qu'il a travaillé à Paris, mon grand-père avait dû économiser et avec la vente de la maison de St Maur et de son commerce de charbonnier, il devait avoir une certaine somme. Aussi à son arrivée à Ste Geneviève, il avait fait bâtir une grande maison avec étable et grange attenante et c'est là qu'ils se sont installés d'abord. Il a fait faire une autre maison aussi près de la maison de Guillaume à la BARÈNE4 Guillaume était le père de ma grand-mère Rosalie Anaïs. Il a acheté encore quelques terres pour agrandir la ferme jusqu'à une dizaine d'hectares.

Je vous raconterai bientôt l'histoire de Rosalie Anaïs, de ses parents et de la ferme de la BARÈNE.

Quand mon grand-père était jeune, on racontait (et on croyait plus ou moins) beaucoup d'histoires fantastiques.

On croyait à un personnage maléfique « lou drac » assimilé un peu au diable. Un jour lou drac s'est caché dans le fil d'une bobine de fil blanc, un joli fil bien fin, attendant de jouer un mauvais tour à quelqu'un. Or ce fil fût acheté par une couturière du village qui s'en servait pour coudre une robe de mariée. Tout allait bien, la robe allait à ravir à la belle jeune fille. Lou drac aime bien paraître à son avantage. Le jour de la noce est arrivé, on est passé à la mairie où tout a très bien été et on s'est dirigé vers l'église. Comme on approchait du porche, la mariée au bras de son père dans son plus beau costume, s'est sentie soudain mal à l'aise; elle sentait sa robe vibrer sous elle. Tout le monde sait que lou drac et l'eau bénite ne font pas bon ménage. Et sitôt passé la porte, quand la jeune fille s'est signée, lou drac n'y tenant plus s'est sauvé à toute vitesse. Bien entendu, le fil étant parti, la robe est tombée en pièces autour de la mariée, rouge de confusion. Personne ne m' a jamais dit la suite.

Une autre fois lou drac s'était mis dans la peau d'un très beau bélier. Ah, il se régalait et en faisait voir de toutes les couleurs au petit berger, car les brebis le suivait bien sûr et toujours où il ne fallait pas aller! Mais ce petit berger était pieux, et un jour où, sans doute fatigué de courir, le bélier s'est couché, posant un oeil malin sur le petit, celui-ci, enfin tranquille, a fait un beau signe de croix pour commencer sa prière. Comme mû par un ressort, le bélier a fait un saut et a disparu de sorte que les brebis ne l'ont plus suivi. On ne l'a jamais revu.

Mon grand-père avait 15 ou 16 ans, a ce qu'on m'a dit. Et un jour qu'il revenait tard des champs, il a dû passer vers la croix, au fond du village, où l'on disait qu'on rencontrait souvent une « trèbo5 ». C'est le nom que l'on donnait alors aux âmes en peine ou revenants. M le curé disait que ce n'était pas vrai, que les âmes des morts étaient dans la paix de Dieu, pourtant, beaucoup disaient les avoir vues. Et justement dans le fossé de la route, presque devant la croix, il vit une forme blanche dans le crépuscule. Il ne pouvait faire autrement, il fallait passer dans le chemin. Son coeur battait, mais il avait son bâton à la main, et puis il était un homme! Le geste décuplé par la peur, il a asséné un violent coup de bâton sur la forme blanche qui a poussé un cri aigu et s'est enfuie à toutes pattes en grognant. Une truie! c'était une truie qui sommeillait dans les feuilles mortes du fossé. Auguste n'a jamais plus eu peur des trèbos.

Il y avait ceux qui n'avaient peur de rien, surtout lorsqu'ils revenaient des fêtes des villages à la nuit, en groupes. En passant près des maisons où ils connaissaient des peureux, ils faisaient silence en approchant et ils lançaient de lugubres hou! hou! en soufflant dans le trou de « l'ayguière » (évier de pierre taillée qui dépassait du mur). Puis ils partaient sans bruit, retenant un rire qui éclatait lorsqu'ils se trouvaient hors de portée de voix avec de grandes tapes dans le dos et des rappels de détails de l'aventure. On dit même que certains, recouverts d'un drap, jouaient les trèbos autour des cimetières et des croix. Mais certains parmi eux étaient revenus roués de coups de bâton par un passant nocturne peu crédule. Ils n'y étaient pas revenus une fois guéris, et ne s'en vantaient pas.


Au rang arrière : Jean-Auguste, Anaïs, Rosalie Anaïs, et Auguste - Devant: Emilie, Henriette, Marie

Chapitre IV

Ma grand-mère Rosalie Anaïs

Ma grand-mère était la fille de Guillaume Gaillard de Rives. Elle était née le 7 Février 1864 à Ste Geneviève. L'ancêtre le plus lointain connu de Guillaume était Bertrand Gaillard né à Rives en 1664 et décédé à 83 ans en 1747. Il était l'époux de Catherine Pégorier dite « la Bertrande » décédée le 15-11-1738. Elle était originaire de la paroisse de Campouriez.

Guillaume Gaillard (né le 17 Mai 1827, mort le 24 Avril 1884) exerçait le métier de sabotier. C'est lui qui avait acheté des terrains communaux, près de la rivière l'Argence, qui passe au bord du village de Ste Geneviève. C'était un terrain presque plat de quelques hectares. Au bout de ce terrain il a fait bâtir (ou peut être a bâti en partie lui même) une petite maison, attenante à une petite étable avec sa grange au-dessus.

Le terrain était une friche avec quelques rochers qui dépassaient du sol par endroits, de l'herbe et des épines. Le sol est posé sur un socle de granit pourri qu'on appelle de la pierre de Barène (en occitan peyro de Boréno). Aussi la petite ferme a pris le nom de « BARÈNE ». Cette terre a reçu au long des siècles les alluvions de la rivière qui a plus ou moins promené son lit dans la petite plaine (témoins les galets qu'on trouve un peu partout sur le sol). On a appelé le terrain « la devèze » car c'est là que Guillaume a mis ses premières vaches et moutons au pacage. Il devait faucher l'été les meilleures herbes, quand les bêtes pouvaient se nourrir dans les communaux voisins, et engranger ce foin pour l'hiver.

Il a dû acheter bientôt aussi un petit champ situé de l'autre côté du chemin qui passe devant la maison. Ce chemin conduisait à une grande ferme, reste du domaine d'un ancien château fort, la « Tourre du Mas6 ». C'était le chemin du Mas qui passait l'Argence sur le pont du Mas. C'était alors un pont de bois. On y a fait plus tard un pont de pierre qui a gardé le même nom.

Guillaume épousa Rosalie Viguier le 6 Août 1861. Malheureusement Rosalie Viguier est morte à la naissance de sa petite fille, Rosalie Anaïs, ma grand-mère. C'est la mère de Guillaume qui s'est chargée d'élever le bébé, à Rives. Guillaume ne s'est pas remarié et a pris sa petite fille avec lui, lorsqu'elle a eu 4 ans. On peut supposer qu'avant, Guillaume allait voir son bébé souvent à Rives et que sa mère venait aussi avec la petite Rosalie Anaïs lui rendre visite à la BARÈNE. Rives était par le vieux chemin à 2 km environ.

A cette époque la marche à pied ne faisait peur à personne. Pas même à une petite fille de 4 ans et un jour d'hiver, trompant la surveillance de Guillaume, la voilà partie retrouver sa grand-mère qu'elle devait beaucoup aimer. Son papa n'a pas cherché longtemps car il a vu les traces de petits pas sur la neige et est parti vite à Rives où il l'a retrouvée près de la cheminée où sa grand-mère la réchauffait. Il avait quand même eu un peu peur. A cette époque il restait encore quelques loups dans les bois. Peu, il faut le dire, et ils devenaient de plus en plus rares et peureux car on les chassait férocement. Mais lorsqu'ils étaient affamés quelques uns se hasardaient vers un troupeau de moutons.

Quelques années plus tard, lorsqu'elle gardait les quelques brebis de son papa, un loup, peut être le dernier, a essayé de voler une brebis qui s'était écartée un peu vers le tertre au-dessus duquel commençait le bois. Le chien dût avertir la petite bergère et elle vit le loup qui essayait de remonter le tertre en tirant la brebis par le cou. Elle courut et attrapa la brebis par les pattes de derrière et tira de toutes ses forces. Le chien s'en mêla et le loup surpris par cette attaque lâcha prise et la brebis tomba sur Rosalie Anaïs renversée en arrière. Je ne sais pas si la brebis a pu être sauvée mais, en tout cas, ce n'est pas le loup qui a fait un bon repas si on a dû l'abattre.

On racontait alors une autre histoire de loup qui était arrivée à un petit garçon. Il habitait une ferme un peu éloignée et se rendait à l'école. Comme il devait y passer la journée entière, il emportait avec lui sa petite marmite contenant sa soupe avec un morceau de porc salé. Avec d'autres camarades il la faisait chauffer à midi sur le poële de l'école. La soupe dégageait-elle un bon fumet ? Toujours est-il que le petit garçon s'est aperçu qu'un loup le suivait. Son coeur se mit à battre et il se mit à courir, mais le loup aussi accéléra le pas. C'est peut être ma soupe qu'il veut ! Et tout en courant il laissa tomber quelques trempes de pain sur le chemin. Le loup s'arrêta pour laper mais il reprit de plus belle sa course. Trois ou quatre fois, le petit garçon recommença le manège et le loup aussi. Mais le village se rapprochait. Il laissa tomber son morceau de viande et courut jusqu'à la première maison. Il était sauvé, car en plein jour le loup n'osait pas s'approcher des maisons. J'espère que le maître d'école lui offrit le déjeuner pour le récompenser de sa présence d'esprit et de son courage.

On parlait aussi du "cabretaïre" qui revenait la nuit après le bal du village voisin. Il a grimpé sur un arbre pour échapper au loup qui le suivait; mais le loup, patient, attendait au pied de l'arbre. Il faisait froid, l'homme s'engourdissait. Au bout d'une heure, sentant venir le sommeil, il s'est mis à jouer de la cabrette pour se réchauffer. Mais ces sons aigus et plaintifs ont surpris tant le loup qu'il s'enfuit la queue entre les jambes. Ah, racontait le cabretaïre, si j'avais su que les loups n'aimaient pas la cabrette j'aurais bien joué plus tôt au lieu de me geler sur mon arbre! Il était revenu jouant de la cabrette tout le long du chemin.

Rosalie Anaïs grandit donc près de son papa à la petite maison de la BARÈNE. Elle trottait derrière lui, bien leste dans ses petits sabots et a appris tout des bêtes, des plantes, du travail de la terre et bientôt elle a pris sa part des occupations de la ferme et de la maison.

La maison d'une pièce au rez de chaussée donnait sur une cour qui bordait le chemin du Mas. La porte d'entrée était à droite en regardant la maison et il y avait une fenêtre à gauche. Sous la fenêtre sortait le trou de l'ayguière, car à l'intérieur, en face de la fenêtre, était placé l'évier de pierre. Du coté gauche de l'évier, une partie surélevée, bien plane et ronde servait à poser le « farrat» d'eau. Le farrat était un seau en bois cerclé de fer à la manière des tonneaux. Guillaume le sabotier savait peut-être les faire. Dans le farrat on laissait en permanence la couade de cuivre (une sorte de louche, de puisoir). Lorsqu'on avait soif, on prenait la couade et on buvait directement puis on la replaçait dans le farrat.

Il avait creusé un puits dans la cour et c'est à ce puits qu'on tirait l'eau pour la maison et les bêtes.

La façade sur la cour était orientée vers le sud. Il n'y avait pas d'autres ouvertures que la fenêtre sur la cour, tandis que l'entrée se faisait par l'étable. La pièce était à peu près carrée et faisait environ 25 à 30 m½. En face de la porte était placée la table avec ses 2 bancs en bois sans dossier et en face, au fond, sur toute la longueur du mur, les deux lits en alcôve. Contre le mur, à gauche en entrant, le vaisselier, buffet construit directement contre le mur, sans fond. Il allait du coin jusqu'à l'âtre (la grande cheminée) qui lui faisait suite. Le vaisselier prenait ainsi appui sur l'angle des murs à gauche et sur le montant de granit taillé de l'âtre à droite. Au milieu de la pièce devait se trouver l'établi de sabotier.

Je m'imagine Rosalie Anaïs jouant le soir à la veillée avec les morceaux de bois et copeaux de toute forme qui tombaient pendant le travail de Guillaume, à la lueur du feu de cheminée et du « calel » (lampe à huile suspendue au mur ou au plafond) à moins que ce ne soit d'une chandelle. Peut être lui avait-il taillé une poupée en bois ou quelques petites écuelles.

Rosalie Anaïs allait à l'école distante de 300 ou 400 mètres et au catéchisme. En dehors de l'école elle suivait son père, l'aidant aux travaux de la ferme ou gardant les quelques bêtes qu'ils avaient.

Je ne sais rien de précis sur sa vie de jeune fille, mais je pense qu'elle ne s'est pas placée chez des étrangers. Guillaume était seul. Il avait besoin d'elle pour tenir la maison.

Le dimanche elle devait rencontrer ses amies à la sortie de la messe et après les vêpres. Elle allait avec son père aux foires et aux fêtes du village et des villages voisins pendant l'été et pendant l'hiver aux veillées qui se faisaient chez l'un, chez l'autre.

Elle avait juste vingt ans lorsqu'elle s'est mariée avec mon grand-père Auguste Turland.

C'est alors, comme je l'ai déjà raconté, qu'Auguste et Rosalie Anaïs ont travaillé à St Maur près de Paris; puis après la maladie d'Auguste, ils sont revenus à Ste Geneviève travailler la ferme de Guillaume. Anaïs avait 6 ans, Jean Auguste avait 4 ans. Il leur est né ensuite trois petites soeurs, Henriette, Marie et Emilie.

Quand Auguste mourût7, Jean Auguste avait 22 ans et avait déjà quitté la maison pour travailler à Paris. L'esprit d'entraide régnait entre les aveyronnais déjà installés à Paris et on prenait facilement un jeune compatriote pour lui apprendre le commerce. Ensuite on s'aidait financièrement en prêtant de l'argent aux plus jeunes quand ils voulaient s'installer.

Quand elle a été veuve, Rosalie Anaïs a continué de travailler la ferme à l'aide de ses filles et d'un employé pour les gros travaux de l'été8. Malgré sa constitution menue, elle était solide et courageuse, souple pour s'adapter à toutes sortes de situations, faisant tout pour que son fils se fasse une meilleure situation que la sienne à Paris.

Elle habitait toujours à la maison du village et louait les maisons de la BARÈNE. En 1921, lorsque mon père a décidé de revenir travailler la ferme, elle a installé une épicerie-mercerie dans la grande pièce du rez-de-chaussée qui était close par une vitrine. La cuisine était à l'arrière, assez grande, mal éclairée par 2 fenêtres placées en hauteur, car le terrain relevé, derrière la maison, formait un jardin. Les 3 chambres du premier étage donnaient de plein pied dans ce jardin.

Tout cela ne constituait que la moitié de la maison. L'autre moitié, semblable à celle là était louée à un pâtissier, Monsieur Roux, dont les descendants sont pâtissiers à Laguiole.

Mon père, Jean Auguste, étant pensionné de guerre, a obtenu le bureau de receveur des contributions indirectes, où il recevait les redevances versées pour le transport des vins et alcools, vendait les plaques pour les bicyclettes etc..

C'est Rosalie Anaïs qui a installé un bureau dans un coin de son magasin et a reçu les redevables au nom de mon père qui était ainsi plus libre pour s'occuper de la ferme. Elle s'est occupée de ce bureau, plus tard, aidée par sa fille Anaïs, jusqu'à ses 80 ans, en même temps que de son magasin.

On venait donc beaucoup chez ma grand-mère et elle venait à bout de tout, toujours affable, menue et voûtée. Avant de commencer sa journée, elle assistait en général à une messe très matinale, l'église n'était pas loin. Elle n'était jamais malade. Elle s'est alitée seulement quelques jours avant sa mort.le 24-12-19459. Elle avait 81 ans.


Rosalie-Anais avec Gustou


En haut, à gauche: Auguste Turland

En haut, à droite: Rosalie-Anaïs Gaillard

En bas: Ancienne église de Ste Geneviève où ils se sont mariés

Chapitre V

Mon père Jean-Auguste.

Il s'appelait exactement Jean Guillaume Auguste. On l'appelait toujours Auguste. Je dis moi, Jean Auguste pour le distinguer de son père Auguste.

Il est né le 26 Juin 1887. Lorsqu'il est arrivé à Ste Geneviève avec ses parents, il est allé à l'école du village, qui était presque en face de sa maison, jusqu'à 12 ans et a obtenu son certificat d'étude10.

Comme tous les enfants de son temps, il aidait ses parents pendant les vacances à la garde des bêtes11. Puis vers 17 ans il est allé travailler à Paris comme garçon de café.

Il faut remarquer qu'une évolution s'était produite dans le métier des émigrants vers Paris. Au moment de la jeunesse de mon grand-père on était charbonnier. Plus anciennement les aveyronnais étaient porteurs d'eau, c'est à dire qu'avant l'installation de l'eau dans les maisons de Paris, ils montaient l'eau dans les étages après avoir rempli leurs seaux aux fontaines publiques. A l'époque où mon père est allé à Paris on était plutôt cafetier, on disait « bistrot »; pour les charbonniers au temps de mon grand-père on disait « Bougnats12 ». Il a travaillé donc chez un compatriote, l'entraide était toujours en vigueur entre bistrots et comme les autres aveyronnais il a économisé pour acheter un café lorsqu'il se marierait.

Il s'est marié le 17 Janvier 1913 avec Germaine Brousse. Ils ont pris un commerce de vins-café. Germaine y cuisinait aussi un « plat du jour » que l'on servait à midi au 184 de la rue Cardinet à Paris 17 ème.13

Germaine et Jean Auguste ont eu d'abord un garçon, Germain François Auguste le 9 Décembre 1913. On l'a toujours appelé Gustou bien que son premier prénom soit Germain.

Afin de permettre à mes parents d'avoir plus de liberté pour travailler, c'est Rosalie Anaïs qui a pris le bébé chez elle et l'a élevé à Ste Geneviève. C'était une habitude dans beaucoup de familles à ce moment là.

Un an après la grande guerre a éclaté et mon père fut mobilisé comme tous les hommes de France. Pendant toute la guerre, Germaine est restée à Paris tenant ouvert son café - plat du jour. Une de ses belles soeurs, Marie, est venue habiter avec elle pour l'aider.

Au cours de la guerre, Jean Auguste a été blessé une première fois à un bras.

Il est resté un an environ soit dans les hôpitaux, soit en convalescence. Lorsqu'il a été guéri il est reparti avec ses camarades. Une deuxième fois il a éte blessé et il a perdu une jambe. La guerre était finie pour lui. Après sa guérison il est revenu à Paris avec Germaine.

Je suis née bientôt après le 14 Décembre 1919, moi, Jeanne Germaine Marie Turland. On m'a toujours appelé Jeannette. Bientôt après, mes parents ont décidé de quitter ce Paris où ils avaient vécu si peu ensemble. Lorsque j'ai eu 6 mois, Rosalie Anaïs est venue me chercher et m'a emmenée chez elle pour attendre qu'ils aient vendu leur commerce.

Ils sont venus me rejoindre en 1921. A partir de ce moment là nous avons habité la maison de la BARÈNE, mon père, ma mère, mon frère Gustou et moi.

Ma tante Anaïs est venue aussi habiter avec nous pour aider maman à tenir la maison, car mon père était handicapé à cause de sa jambe. Germaine travaillait beaucoup à la ferme avec lui. Ainsi j'ai été beaucoup en contact avec ma tante Anaïs qui aimait me raconter les histoires d'autrefois.

J'ai eu un petit frère René né le 31 Mai 1922 et un autre plus tard, Michel14 né le 13 Septembre 1933.

Jean Auguste et Germaine ont pu profiter, tout au long de leur vie à la BARÈNE, de beaucoup de progrès qui ont été réalisés par rapport à la manière de vivre de leurs parents. Vers 1930 ils ont pu participer à l'adduction d'eau du village. Déjà dès son arrivée à la BARÈNE, Jean Auguste avait installé une pompe à main dans la maison et aussi dans la petite maison de Guillaume, amenant l'eau du puits sur l'évier. Puis vers 1930 ce fut le robinet à pression. Presque à la même date, on a installé l'électricité dans le village et Jean Auguste a payé la ligne pour arriver jusqu'à notre ferme, 200 m environ. Nous avons été la première ferme à avoir la lumière électrique et à pouvoir écouter un poste de T.S.F. Ayant connu la ville, ils étaient ouverts au progrès. La cuisinière à bois a remplacé tout de suite le feu de cheminée pour la cuisine. Comme il se déplaçait avec difficultés il a acheté bientôt une auto. C'était je me souviens une Torpédo Peugeot modèle 1920, 9 CV, décapotable. Elle était rouge.

Il était très adroit pour travailler le bois et faisait toutes sortes de choses pour la ferme, claies, brouettes, chars, tombereaux, etc..

Il aimait s'occuper de l'association des anciens combattants, mais aussi des associations paysannes qui se formaient. Il était correspondant d'une compagnie d'assurance15.

Il chantait très bien et nous en faisait profiter aux fêtes de famille et aux banquets16. Il faisait partie du choeur de chant à l'église du village.

Pendant quelques années il a ouvert un petit café à la maison du village, dans la boutique qui était autrefois celle d'un pâtissier. On ne l'ouvrait que les jours de foire car le foirail était à coté. C'étaient ses soeurs Marie et Anaïs qui s'en occupaient. Il y avait alors une foire par mois et on y venait beaucoup. Quand les foires n'ont plus eu de succès, après la guerre de 39-45 on a fermé le petit café ainsi que la petite épicerie de Rosalie Anaïs.

Pour prendre sa retraite, Jean Auguste a loué les terres de la BARÈNE et est allé habiter la maison du village. Il y mourut le 13 Mars 1964.

à gauche, l'école où allait Jean-Auguste et ses soeurs. Leur maison était à l'entrée du village. On ne la voit pas mais elle était tout près.


Jean Auguste à Paris.

Jean Auguste chasseur alpin à Menton.

Jean Auguste Soldat en 1914.

Jean Auguste le bras en écharpe, le deuxième en commençant à droite

Maminette bébé

Chapitre VI

Voici Maintenant l'histoire de la famille de ma maman Germaine Brousse.

Le père de Germaine s'appelait Germain Brousse. Les parents de Germain possédaient une petite ferme dans les gorges de la Truyère (rivière du nord de l'Aveyron) appelée AURIÈRES. C'est là qu'il est né ainsi que ses frères et soeurs, Pierre-Jean, Marie, Hortense, deux autres filles dont je ne connais pas le prénom et Jean.

AURIÈRES se situe sur le versant des gorges en dessous du village de Montézic. En face sur l'autre versant se trouve le vieux château fort de Vallon. AURIÈRES est un ancien ermitage. Au moyen âge un ermitage comprenait une cellule, un oratoire, un puits ou une source et un jardin. Les ermites y vivaient de dons testamentaires de petite valeur qui à force de se répéter ont permis aux ermites de créer un petit capital. Les ermitages ont existé jusqu'à la révolution de 1789, quelquefois sans véritables ermites. On les connaissait aussi sous le nom de domerie ou même de bodonies. C'était le supérieur du séminaire de St Geniez d'Olt qui était à la fois dom d' AURIÈRES et Cadamarans.

C'est donc après la Révolution que les ancêtres de Germain durent acheter les terres d'AURIÈRES. Ce sont des terrains très en pente qui descendent en cascade jusqu'à la rivière, plantés de bois de châtaigniers. Au bord de la Truyère on a défriché quelques petits champs.

Quand j'ai pu la photographier, la maison etait telle qu'elle était autrefois. L'étable pour les chèvres, la mule ou l'âne et les cochons, se trouvait au rez-de-chaussée. En haut de l'escalier de pierre la porte de la maison, devant le four. Un haut mur soutenait un jardin sur le côté bas à gauche du chemin qui arrive à la maison.

Il y a plusieurs sources non loin de la maison. En haut de l'escalier de pierre, la porte s'ouvre dans l'unique pièce avec à gauche la petite lucarne au-dessus de l'évier et à droite la seule fenêtre. Cette pièce servait à la fois de pièce à vivre et de chambre à coucher dans les alcôves. La cheminée était au pignon à droite. Le bâtiment qu'on voit à droite, en noir, était un abri où se trouvait le four à pain et où on entreposait le bois sec.

C'est là qu'a été élevée cette famille de sept enfants. Ne nous étonnons pas qu'ils soient partis chercher du travail plus loin. Un seul, je crois, Pierre-Jean est resté à AURIÈRES. J'ai connu son fils Eugène qui a vendu AURIÈRES et a trouvé une ferme plus importante pour élever sa famille dans le Tarn et Garonne.

Jean, lui, allait travailler jusqu'en Espagne, en Catalogne, où il se louait comme scieur de long pendant l'hiver. L'été il revenait au pays pour les fenaisons et les moissons. C'est en Catalogne qu'il a rencontré Teresa. Ils se sont mariés et ont eu deux enfants, Juan et Concepción. Au bout d'une quinzaine d'années, Jean a voulu se fixer définitivement en France, mais Teresa et Concepción, trouvant notre climat trop rude, sont reparties vivre en Espagne.

Nous avons retrouvé Concepción en 1973 et nous nous sommes écrit. Elle était heureuse de retrouver ses cousins un peu oubliés. Et nous avons rencontré ses enfants, Maria Luisa et Narcis, en 1985 à San Felix de Guixols. Quant au fils de Jean il a été tué à la guerre de 14-18. Jean finit sa vie dans une petite maison dans les châtaigneraies au-dessus de Panis de St Gervais. Il a vécu seul, travaillant comme ouvrier agricole et fervent de pêche à la truite et de braconnage dans la Truyère. Pour tous il était l'espagnol.

Germain17, mon grand-père maternel, est allé chercher fortune à Paris comme bistrot. Il s'est marié avec Marie Boutié, une presque voisine d'une autre ferme des gorges de la Truyère, le Mas de Saint Gervais.

Il mourut jeune d'un refroidissement pour être descendu à la cave mettre du vin en bouteille après avoir beaucoup transpiré18. Il a eu le même destin, mais plus rapide, que mon grand-père Auguste.


AURIÈRES à la fin des années 1970

Marie Boutié

Germain Brousse


Voici l'histoire de la famille de ma grand-mère maternelle Marie Boutié.

Les grands parents de Marie Boutié avaient une ferme sur une arête de terrain au-dessus du confluent du ruisseau des Ondes avec la Truyère. Cette ferme faisait face au village actuel du Brézou. Leur ferme s'appelait « La Vigne ». Il y avait un peu plus haut une autre ferme « Le Fau » et en continuant le chemin on rejoignait le village de Bénaven à 3 km environ, lui-même se trouvant à 9 km de Ste Geneviève.

A la Vigne, il y avait une petite maison attenante à une petite étable. La maison était composée d'une grande pièce appuyée à un rocher qui servait en partie de mur à l'arrière. Dans ce rocher on avait creusé quelques niches servant d'étagères pour la vaisselle, le calel ou la chandelle. Le rocher était surmonté par une partie du mur jusqu'au toit. Le toit était à quatre pentes (un toit fantaisie pour l'époque). Sur la façade il y avait une porte, une fenêtre et une lucarne au-dessus de l'évier. La petite étable était au Sud Est19 pour abriter les chèvres, les moutons et les cochons. Il y avait aussi une mule.

En contrebas de la maison, on trouvait le jardin potager, la vigne et le verger. Au-dessus de la maison il y avait quelques petits champs et aux endroits les plus escarpés, en descendant vers le confluent des rivières, des bois d'essences diverses et des châtaigniers. On mettait un peu de foin dans le grenier pour les plus mauvais jours. Mais la ferme se trouvant à une altitude assez basse (440 m env.), il n'y avait que très rarement de la neige.

A la Vigne sont nées Sophie Duranton, mon arrière grand-mère, Marie sa soeur et trois frères. L'un d'eux, Prosper, a travaillé à Paris et a vécu très vieux. Je ne connais pas le prénom des deux autres frères. L'un a vécu à Rives et l'autre a émigré en Amérique du Nord mais on n'a jamais eu de ses nouvelles.

La mère de Marie Boutié.

Sophie avait un oncle qui possédait un restaurant à Paris. Cet oncle avait deux frères du nom de Batifolié qui étaient patrons de petites voitures qu'ils louaient pour des petits métiers de la rue comme rémouleur, marchands des quatre saisons, merciers ambulants, etc..

Toute la famille Duranton à la Vigne vivait du blé, des cochons, de quelques volailles et des légumes du jardin. Les cochons s'élevaient en semi-liberté dans les bois et revenaient le soir pour boire le petit lait qui restait de la fabrication du fromage, les cabécous, que l'on allait vendre à la foire et que l'on mangeait à la maison. Il ne manquait pas de fruits tout au long de l'année. Il y avait les cerises, les pêches, les pommes, les châtaignes et les mûres sauvages. On buvait bien sûr le vin de la vigne. Je sais que Sophie allait à Ste Geneviève les jours de foire avec la mule et la voiture pour vendre les cerises ou les châtaignes. Elle partait la nuit pour être au petit matin sur la foire.

Les travaux s'étalaient tout le long des saisons. Il y en avait une part pour chacun: labourer avec l'araire, semer, sarcler, récolter, bêcher, piocher la vigne, faire le vin, faire le pain, surveiller et traire le petit troupeau, faire le fromage. Mais on mangeait à sa faim et on dansait bien aux fêtes des villages voisins. On attelait la mule pour s'y rendre. Cela me fait penser à la vielle chanson:

« Toutjoun la vielha crida, qu'acabaren tout (bis)

les quatre feris de l'ase, o maï lou caretou

Et quand oren tout acabat

fumaren la pipa san tabac»

Allaient-ils à l'école? Il y avait une bible à la maison.

Vers ses 20 ans, Sophie a épousé l'un de ses voisins sur l'autre versant du ruisseau des Ondes «Le Mas de St Gervais». Il s'appelait Boutié. Je crois que son prénom était Jean. Elle est allée vivre au Mas de St Gervais. Ils ont eu huit enfants, Victor, Henri, Marius, Marie, Eugénie, Léontine et Mathilde. Victor est resté à la ferme. Henri et Marius sont partis vers le midi de la France dans des fermes. Eugénie s'est mariée dans la région de Villefranche de Rouergue à la terre aussi. Léontine est partie à Paris avec son mari comme bougnat. Joséphine est devenue religieuse. Mathilde avec son mari s'est installée aussi dans le midi de la France près de ses frères. Marie était ma grand-mère. Elle s'est mariée avec Germain Brousse.

Marie et Germain sont allés s'installer à Paris. Ils ont eu d'abord deux petits garçons. Selon l'habitude du pays, la grand-mère est venue successivement20 chercher les enfants, sitôt la maman remise, pour les élever au Mas. Malheureusement à la descente du train à Aurillac il ne restait que la diligence puis la carriole pour rejoindre Le Mas de St Gervais. Chacun à leur tour les bébés sont morts d'un refroidissement à la suite de ses voyages sans confort.

Aussi lorsque Germaine, ma maman, est née, décidèrent-ils de la garder avec eux en prenant une employée pour la garder.

Un client ami l'emmenait régulièrement se promener dans Paris. Elle eût ainsi l'occasion de visiter l'Exposition Universelle de 1900 ... et de monter sur la Grande Roue21.

Le séjour en Normandie.

Lorsque22 Germain Brousse est mort elle avait 9 ans. Sa maman l'a confiée alors à une cousine qui vivait en Normandie, à Randonnai (entre Laigle et Mortagne) avec son mari, « l'oncle Coudely », un catalan qui faisait des sabots dans la Forêt du Perche... et cultivait ses piments dans le jardin familial. (goûte - c'est bon!) Elle y est restée jusqu'à 13 ans et y est allée à l'école. Elle était heureuse chez eux et me racontait souvent sa Normandie. Le cousin coupait le bois nécessaire dans la forêt avec les compagnons qui travaillaient avec lui. Il faisait les sabots dans une cabane. Ils faisaient ensemble des promenades en forêt où il lui apprenait à connaître les plantes, les fleurs et les animaux. Il y avait aussi la cousine qui lui apprenait la couture et le crochet.

Elle avait gardé le souvenir tenace du passage d'une « tornade » (dévastant une bande de terrain sur son passage, pendant un orage.) Avec le vent violent, l'eau s'insinuait entre les tuiles et il pleuvait dans toute la maison. Elle se voyait encore, terrée dans un coin avec sa tante, craignant à tout moment que la toiture ne s'arrache. C'était une construction légère... La tornade s'est arrêtée à temps.

Tous les villages et les routes du voisinage lui étaient familiers, car elle accompagnait souvent l'oncle Coudely quand il allait vendre ses sabots dans les foires, avec le cheval et la carriole. Elle avait gardé une mémoire précise des lieux, et on peut tenter de reconstituer à peu près le périmètre de cette activité, limitée par Laigle, Moulins-la-Marche, Mortagne, Rémalard, La Ferté-Vidame, Verneuil ... en gros une vingtaine de kilomètres autour de Randonnai. Hélas parfois, quand il était seul, l'oncle Coudely, au retour, était un peu « pompette », et le cheval conduisait seul, à sa fantaisie... Un jour, la cousine vit revenir le cheval seul, traînant la charette... Elle avait versé dans le fossé. On retrouve l'oncle, sans blessure grave en apparence, mais à partir de ce moment là il déclina, et mourut quelques mois plus tard.

C'est sans doute après ce triste évènement que la cousine alla habiter à La Lande, petite commune aux sources de l'Eure. Germaine devait avoir 11 ou 12 ans.

Sa scolarité à Randonnai avait été bonne; c'est là qu'elle avait affirmé avec assurance, à ses camarades et au maître: « mais si! chez moi, on trait les moutons » Il le lui fit répéter plusieurs fois pour lui dire enfin « je pense que c'est plutôt des brebis qu'on tire le lait »; elle en était encore confuse.

A La Lande, petit village, c'était le régime de la classe unique; une ribambelle d'enfants de 7 à 12 ans étaient confiés à une institutrice débutante qui paraissait aussi jeune que ses plus grandes élèves. Entre elle et Germaine, adolescente à la maturité précoce, semble s'être établie une complicité et , pour se consacrer davantage aux plus grands (certificat oblige ...) elle demandait parfois à Germaine de s'occuper des petits. Il faut dire qu'elle avait un bon niveau, comme l'indique cette anecdote: l'institutrice lui donnait un problème, et quelques minutes après le résultat fusait: « ça fait tant! » - Attendez Germaine, j'ai pas fini!23

Après son certificat d'étude elle quitta sa cousine pour revenir un peu au Mas de St Gervais chez sa grand-mère. Elle y a passé un an et en a gardé un souvenir extraordinaire. Elle en parlait souvent. Avec sa tante Mathilde, âgée de seulement quelques années de plus, elles ne se quittaient pas que ce soit pour garder les brebis ou pour ramasser les châtaignes que l'on faisait sécher au « sécadou ». Une fois sèches on les appelait « horion24 » et on les mangeait l'hiver. Le « sécadou » était une cabane en pierre dont le plafond était fait de lattes de bois croisées. C'est là dessus qu'on étalait les châtaignes et on entretenait chaque jour un feu au-dessous. La chaleur et la fumée passant entre les lattes déshydrataient les châtaignes.

Il y avait au printemps les cerises qu'on allait cueillir, les prunes, les pêches si fondantes, les pommes pour le cidre. Une partie de ces fruits se transformait en alcool avec le petit alambic. On en vendait une partie, l'autre servait pour se soigner.

C'est cette année là qu'elle a passé une partie de l'hiver à la petite maison de la Vigne avec Mathilde; C'était l'hiver 1910, qui fut terrible sur la montagne et provoqua les plus grandes inondations de Paris, en janvier.

Alors qu'une épaisse couche recouvrait uniformément les plateaux, le peu de neige tombé à la Vigne (440 m d'altitude) n'avait pas tenu. Avec le troupeau de brebis elles étaient donc parties toutes les deux, car l'absence de neige permettait aux bêtes de se nourrir de l'herbe une paire de mois au moins. Avec la mule on venait les ravitailler de temps en temps. Sans autre occupations que de surveiller les brebis et faire leur cuisine, elles ont passé un hiver qu'elles disaient enchanteur. La vieille bible reliée de cuir était encore là. Elles n'avaient que leur chien pour compagnon. Il y avait les chèvres pour le lait et les petits fromages, la farine pour les crêpes, quelques oeufs, le porc salé et les pommes de terre. Elle s'étonnaient de la neige au Mas alors qu'à la Vigne les pêchers fleurissaient au soleil de février. Elles appréciaient leur amitié et leur liberté. Quand elle voulait s'isoler pour lire, Germaine s'installait sur le puissant rocher de granite au dessous de la maison, dominant la Truyère de plus de 100 m. C'est de là qu'elle a assisté, fascinée, à un des plus impressionnants spectacles de la nature: la grande débâcle de printemps, charriant toutes les glaces de cet hiver hors du commun, par une Truyère que n'entravait encore aucun barrage25. Elle nous décrivait l'énorme torrent d'écume charriant, avec les glaces, du bois, des blocs de roche, des objets divers arrachés en amont par l'inondation; aux détroits du lit, entre les falaises, s'accumulaient les glaces et les débris, formant des barrages hauts de 20-30m qui se brisaient enfin dans un fracas épouvantable. Un spectacle digne du grand Nord.

Alors qu'elle était adolescente, Marie, sa maman, se remaria avec François Cancelier, son employé depuis plusieurs années. Il a été un excellent père pour Germaine. Elle l'aimait beaucoup ainsi que le petit frère, François, qu'ils lui ont donné. Après la naissance, Germaine est revenue à Paris et s'est occupé du bébé. Elle avait 15 ans. Quelques années plus tard Marie et François ont acheté une ferme près de Ste Geneviève (Les NOYERS) après avoir vendu leur commerce. C'est ainsi que Germaine, ma maman, a rencontré mon père Jean Auguste. Ils y ont vécu le reste de leur vie avec François fils, sa femme Virginie et leurs petits enfants, Emile, Bernadette et André.

L'arrivée de la diligence


Ma maman Germaine Brousse.

Je viens déjà de raconter son enfance26. Elle avait 17 ans et demi lorsqu'elle s'est mariée avec mon père Jean Auguste Turland en 1913. Ils sont partis aussitôt à Paris. Ils ont eu leur premier bébé un an après mais leur bonheur a été de courte durée puisque la guerre a éclaté en 1914. On a mobilisé son mari tout de suite. Marie, sa belle soeur, est allée chez elle pour l'aider. Malgré son jeune âge elle a été à la hauteur. Elle a fait travailler son café en face de la gare des Batignoles. Elle a réussi à conserver ses clients, les employés de la gare à qui elle préparait le repas de midi. Ils étaient nombreux à venir manger son plat du jour.

Elle partait aux halles avec le métro, au petit matin, faire son marché. Elle me parlait souvent des bons et des mauvais jours avec la grosse Bertha qui tonnait, les armées ennemies qui approchaient de Paris, les blessures de mon père.

Alors ont commencé les séjours dans les hôpitaux du front de campagne, les opérations sommaires, puis plusieurs hôpitaux successifs à l'arrière pour une longue convalescence, et encore d'autres opérations.

Germaine lui rendait visite dans la pagaie générale causée par la guerre, les voyages interminables par des trains de voyageurs désorganisés (priorité aux convois de l'Armée...) Ce fut d'abord Ognon (Oise), hôpital de tentes où se côtoyaient visiteuses et infirmières volontaires (souvent issues de « grandes familles »), s'entraidant parfois dans des structures improvisées et débordées, où elle a pu rester un moment avec lui et parler avec l'infirmière qui le soignait.

Plus tard, ce fut Soisy-sous-Montmorency, aux portes de Paris, où elle avait été bien étonnée de trouver un pays « attardé », avec le tas de fumier dans la rue et les femmes en caraco ....

Enfin il se retrouva à hôpital de Bourges pour la convalescence. La guerre était finie pour lui. Après sa guérison il est revenu à Paris avec Germaine.

Avec Marie, elles allaient faire des promenades le dimanche après midi quand le bistrot était fermé. Elle parlait enfin des bons et des mauvais jours, et des petites choses qui donnent un peu de bonheur quand on est jeune même aux époques les plus dures. Elle pensait à quelques séances de cinéma, aux promenades dans le jardin des Tuileries ou dans le jardin des Plantes. Elle se souvenait des petites porcelaines de Chine ou du Japon. Parfois il en tombait des colis sur les quais de la gare et les employés les lui portaient en venant manger à midi, chez la rouquine. C'est ainsi qu'ils la surnommaient bien qu'elle ne soit que blonde avec des yeux bleu clair27

Remis, Jean Auguste était rentré chez lui quelques mois avant l'armistice de 1918. Il avait réappris à marcher avec une jambe artificielle. Ils étaient enfin réunis et la guerre était finie. Ils avaient envie d'une vie plus tranquille que la vie parisienne, surtout que je suis née le 14 Décembre 1919. A la demande pressante de Germaine, ils ont décidé de vendre leur commerce et de revenir à la ferme.

Germain Auguste (Gustou) était déjà chez sa grand-mère. Lorsque j'ai eu six mois on m'y a aussi emmenée, mais pas pour longtemps. Les parents nous ont rejoints en 1921 et nous avons été réunis à la maison de la BARÈNE. Ma tante Anaïs est venue s'installer avec nous pour aider Germaine à tenir la maison, car elle devait aider mon père dans les travaux de la ferme.

A partir de ce moment ma vie se confond avec la vie de ma maman.


De gauche à droite devant leur « bistrot », un client portant le petit François et son chien, Germaine 15 ans et Marie sa maman.

Germaine à cinq ans

Germaine Brousse à 20 ans

Germaine à 80 ans dans le jardin de la maison du Riols à Ste GENEVIEVE, sa colombe sur l'épaule.

Chapitre VII

Maminette

C'est le nom que mes petits enfants me donnent aujourd'hui.

On m'appelait Jeannette. Mon tout premier souvenir d'enfance est assez confus, mais je me souviens d'une énorme dépouille de cochon, ouverte au milieu de la cuisine sur une couche de paille. Tout le monde s'affairait à la dépecer. Des conversations, j'ai retenu que c'était le premier qu'on faisait dans cette maison. Je devais avoir deux ans environ. Je marchais déjà très bien quand je me revois assise dans un haut landau à grandes roues où je demandais à aller, avec quelques babioles, quand je voulais être tranquille.

De la naissance de mon petit frère René, j'avais 2 ans et demi, je me souviens d'une seule chose, on avait changé mon petit lit de place. On avait placé le mien pendant quelques jours près de papa afin de mettre le berceau de René du côté de maman, puis quelque temps plus tard dans le coin de la chambre. C'était un petit lit de fer, et avant de m'endormir je me berçais seule, pour faire grincer les coins du lit et cette gentille musique m'aidait à m'endormir. Je dormais sur une paillasse de feuilles de hêtre.

A cette époque nous avions un grand chien nommé Zouzou. Du moins me semblait-il très grand. C'était un corniaud, un peu loup d'après l'image que j'en ai gardée. Nous nous entendions très bien. Il couchait sur un sac dans le trou cendrier creusé dans le mur de la cuisine. Quelquefois je prenais sa place un moment, j'y retrouvais son odeur. Quand je jouais avec des noisettes il venait les croquer, c'était son régal. Il les cassait d'un coup de dent et prestement happait l'amande. Un jour je lui ai volé l'amande et toute fière j'ai couru en criant « il est gentil Zouzou, il me casse des noisettes ».

Je rangeais au fond d'un petit placard quelques joujoux de bois, une famille de chats en chiffons bourrés de son, et je m'enfonçais dedans pour aller les chercher, tant que ma petite taille me le permit.

J'aimais m'installer dedans un moment ainsi que dans le placard à chaussures sous l'escalier. Pourquoi est-ce que j'aimais ces retraites plutôt malodorantes ? Je ne sais pas mais j'ai gardé le souvenir de ces odeurs et de mon plaisir. Mais Zouzou ne laissait personne d'étranger s'approcher de moi et m'aurait défendue avec courage et avec ses dents selon ce que l'on m'a dit.

Maman avait tout de suite entrepris la vente du lait de nos vaches aux familles du village qui venaient le soir le chercher, sitôt trait, avec leur boites à lait. Ainsi nous avions chaque jour leur visite. Le mari de la maîtresse de l'école maternelle, Jean, venait chercher le lait chaque soir. Il était sourd. Il parlait d'une voix monocorde que je n'ai pas oubliée, surtout ce jour où ayant été faire mes petits besoins le pan arrière de ma culotte "petit bateau" pendait sous ma robe, il dit « Jeanne perdes la toualla» (Jeanne tu perds ta couche). J'étais très vexée car j'avais une vraie culotte, pas une couche comme René. Je le retrouvais à la maternelle et je n'étais plus vexée quand il reboutonnait ma culotte. Il aidait Jeanne sa femme aux soins des enfants. C'est lui qui est venu me chercher le jour où dans le WC rustique de l'époque, j'avais enfilé mon pied dans le trou. Le ridicule de ma situation m'empêchait d'appeler et en voyant que je tardais il est venu m'ouvrir. Il n'aurait pas entendu d'ailleurs puisqu'il était sourd mais malgré sa surdité il était très attentif aux enfants.

Comme aujourd'hui les enfants aimaient à jouer avec les marrons d'Inde. Un jour en sortant de l'école avec trois camarades, trois frères voisins de ma grand-mère, nous sommes partis pour aller en chercher sous les grands marronniers de M le Maire. Comme ma grand-mère chez qui j'entrais tous les jours en passant s'étonnait de mon retard, je trouvais une excuse valable (déjà rusée).

Je me souviens de trois chansons qu'on apprenait à l'école:

«Il était un avocat

Dans une auberge il entra

Une arête l'étrangla »

dans une boite de tabac, (au lieu de tour tour larirette que l'on dit d'habitude).

«Il était un petit navire » et « Le bon roi Dagobert».

J'ai reçu en cadeau un joli petit panier que j'ai encore sur mon bureau. Il m'a servi longtemps à ranger ma dînette.

C'est à ce moment là que Jean Auguste et Germaine sont partis pour un pèlerinage à Lourdes qu'ils avaient promis de faire au moment des grandes épreuves de la guerre. Je me souviens qu'ils nous ont rapportés à René et à moi un cerceau à musique qui était une petite merveille pour nous.

Ils avaient projeté aussi de faire le voyage de noces qu'ils n'avaient pas fait à cause de la guerre. Ils devaient aller dans les Alpes Maritimes où mon père avait fait son service militaire dans les Chasseurs Alpins. Ils en ont parlé quelquefois mais ils n'ont jamais réalisé ce projet.

Au moment de mes 6 ans, des religieuses ont créé une école de filles dans le village et c'est là qu'on m'a inscrite. J'y restai jusqu'à mon certificat d'étude que j'ai obtenu à 13 ans. Ah, la liberté quand on a 6 ans! Un soir je suis partie à la découverte d'un chemin qui partait à coté de l'école vers le village d'Orlhaguet. J'ai fait environ 300 mètres, et j'ai découvert une fontaine qui déversait son eau claire dans un petit abreuvoir de pierre garni de mousse et de fougères. La fontaine qui m'avait paru grande, je la retrouvais ridiculement petite plus tard, j'avais grandi. J'accompagnais René à la maternelle et il parait que j'étais attentive. Une fois, on m'a raconté, je l'ai défendu à coup de cartable des taquineries de quelques camarades.

Une veuve qu'on appelait « la fenneta » la petite femme, louait la maison de Guillaume. Elle y vivait avec sa fille Antoinette qui travaillait comme servante. Le grand plaisir de la fenneta était de m'appeler chez elle pour me faire gober un oeuf frais de ses poules. Je l'aimais bien et plus tard je restais familière avec elle, même lorsqu'elle a habité dans une autre maison du village et travaillé à carder la laine pour les matelas.

A cette époque nous allions à l'école en sabots l'hiver, en petites galoches à la meilleure saison. On avait même une chaufferette que nous pouvions apporter à l'école. A cause du danger des braises on m'avait acheté une chaufferette à eau chaude que j'emportais avec moi. Dans mes sabots j'avais des chaussons de feutre. On quittait les sabots en entrant à l'école et on s'installait les pieds sur la chaufferette. Le gros poêle à bois en fonte ronflait au milieu de la classe. Cela nous paraissait le sommet du progrès. Dans nos maisons nous n'avions que des lampes à pétrole qui n'éclairaient bien qu'un rond de 50 cm sur la table, alors avec les grosses lampes à gaz pendues au plafond la classe semblait tout illuminée.

A la maison dès mes 6 ou 7 ans, j'avais le droit d'entretenir le feu dans l'âtre où cuisaient les pommes de terre des cochons dans un grand chaudron de cuivre. J'étais très fière de cette responsabilité. Je pense que tante Anaïs me surveillait discrètement mais je ne m'en apercevais pas. Pour notre cuisine on avait installé une cuisinière à bois dont le tuyau passait à travers le plafond pour rejoindre la cheminée de la chambre située au-dessus. C'était un chauffage central primitif que nous apprécions beaucoup l'hiver.

Revenons à l'école. Un soir, y étant restée après quatre heures, on m'a invité à souper avec les pensionnaires. Je mangeais des lentilles avec des oeufs cuits dans de l'eau froide. C'est du moins ce que je racontais à maman, car j'avais vu qu'on les prenait dans un récipient placé dehors près de la porte du réfectoire, où on les avait mis à refroidir. Si après le déjeuner de midi on arrivait à l'école une demi-heure en avance on allait faire une promenade. Un jour, je racontais à ma maîtresse que j'avais trois grand-mères. Elle a essayé de m'expliquer qu'on ne pouvait en avoir que deux, mais je n'en démordais pas car j'avais encore mon arrière grand-mère Sophie Duranton qui venait nous voir quelquefois faisant le chemin à pied, 12 km environ. Papa nous emmenait aussi lui rendre visite au Mas de St Gervais une fois par an avec sa Torpédo. J'ai bien connu mon arrière grand-mère, quand elle est morte je devais avoir 8 ou 9 ans. D'autres fois nos maîtresses nous apprenaient à coller l'oreille sur la route afin d'entendre les vibrations que faisait l'autobus à bandages de caoutchouc dur qui venait d'Aurillac et qui avait remplacé la diligence; on l'entendait bien avant son arrivée.

De cette époque date la construction du barrage de Sarrans qui a été achevé et mis en service avec son usine vers 193328. Il a été inauguré par le président Lebrun. Il était à ce moment là le plus haut d'Europe.

Il vint de nombreux ouvriers de toutes nationalités pour sa construction. C'est ce qui m'a valu d'avoir de nombreuses amies polonaises, portugaises, espagnoles, italiennes.

Les jours de congé se passaient à jouer avec René, à nous occuper à conduire et aller chercher les vaches aux pâturages. On avait pris l'habitude de les fermer avec des barbelés et on les gardait rarement, sauf au communal près du ruisseau qui passait sous le pont du Mas. Là il nous arrivait souvent d'y patauger ou de pêcher loches, vairons ou écrevisses.

Maman allait beaucoup dans les champs et au jardin car papa n'étant pas très valide avait besoin de sa présence pour l'aider. A la maison il restait Anaïs qui nous racontait les histoires vraies d'autrefois. C'est grâce à elle que je connais le passé de la famille. Elle nous apprenait les contines et les chansons d'autrefois: Jean de la lune, l'alouette, dormez, Jean qui pleure et Jean qui rit.

La BARÈNE au premier plan de Ste Geneviève, telle qu'elle était quand je suis arrivé en 1921 de Paris. Remarquez que la maison d'Auguste est séparée de la maison de Guillaume par un petit hangar plus bas. C'est ce petit hangar que Jean Auguste démolit pour agrandir la grange de Guillaume

A la communion solennelle de Jeannette:

Derrière: Anaïs, Henriette, Rosalie Anaïs, Emilie, Marie

Devant: René, Germaine, Jeannette, Jean-Auguste, Gustou

René 2 ans et demi et Jeannette 5 ans

Travaux sur la Truyère

Barrage de Sarrans mis en service en 1933 et inauguré par le président Lebrun
En haut le lac puis le barrage: route dessus
En bas l'usine du Bousquet

Le pont du Mas sous la neige

Chapitre VIII

La haut sur la montagne, J'ai bâti ma maison

Avec un peu de paille, Et trois petits bâtons.


Refrain:

Je fais mon train sans me mettre en peine de rien

Je fais mon train

Je fais mon train


Je n'ai qu'une écuelle et trois petits cuillers

Je n'ai qu'une chemise et trois petits mouchoirs

Je lave la vaisselle trois fois dans la journée

Je lave la lessive tous les samedi soir


Je s'rai porté en terre simplement un beau soir,

Par 3 petits bonhommes tout habillés de noir.


Ils font leur train, sans me mettre en peine de rien

Ils font leur train, j'ai fait le mien


Yo29, abia un homeno, yo abia un homeno, puede be dire (bis)

Yo, abia un homeno, puede be dire qu'es pitcho.


Onbe30 un pan de tella, y faguere sies camijias

Omaï encara un camyiou


Onbe una cueta de cirieso, y faguere sies cadieras

Omaï encara un cadierou.


Se31 res plus n'on bésés

Attapa té on les pésés.


Ya des loups, Muguette, y a des loups, des loups qui te guettent

Y32 a des loups partout.


L'aiga33 bulida, sauva la vida, gasta lo pan,

Passa pel ventre et res y fa


Para34 lo lop, pichona, para lo lop (bis)

Para lo lop que te velho, que te velho

Para lo lop que te velho l'agnelo


Para lo cat, pichona, para lo cat

Para lo cat que te velho, que te velho

Para lo cat que te velho l'encalat.


Coqui35 de sort, las bragas so traucados et la camijia sort


Las Galinas

Plau et fa soulhel il pleut et il fait soleil
Las galinas so al froment Les poules sont au froment
Bailes aparar, boto visina. Vas les chasser « bouto » voisine
A non pas per una galina. Ah non pas pour une poule
Hier y anera et copera una camba. Hier j'y suis allée et je me suis cassé une jambe
Se uei y tornaba ne coparia l'altra. Si aujourd'hui j'y retournais je me casserais l'autre
Tot en y anen, trovera St Jian Tout en y allant, je trouvai St Jean
Que donaba des papas a sun efan Qui donnait de la bouillie à son enfant
N'y bolere prende una becada, Je voulus en prendre une becquée
Me seguet a cop de guliada Il me pousuivit à coup d'aiguillon




Out est la guliada Où est l'aiguillon ?
Lo fuac la cremada Le feu l'a consumé
Out est lo fuac Où est le feu ?
L'aigua la escantit L'eau l'a éteint
Out est l'aigua Où est l'eau ?
Lo taurel la beguda Le taureau l'a bue
Out est lo taurel Où est le taureau ?
Al fond del prat Au fond du pré
Out est lo prat Où est le pré ?
A raz del buosc A l'orée du bois
Out est lou buosc Où est le bois ?
La cabras l'au trépit Les chêvres l'ont piétiné
out son las cabras Où sont les chêvres ?
La vielha los a claussas La vieille les a enfermées
Out est le vielha Où est la vieille ?
Al fond de l'ort ome un ped drech et l'altre tors. Au fond du jardin avec un pied droit et l'autre de travers.

Complainte du petit berger

Solhello36, rodello Petit soleil, petite roue
Béni, pès de yo Viens auprès de moi
Non pas pès d'aqueses de l'ostal, Non pas près de ceux de la maison,
que n'au emboyat garda lo bestiau Qui m'ont envoyé garder le bétail,
Sans salli37 et sans mantel Sans veste et sans manteau,
Ombe un desparti que es pas gaire bel, Avec un goûter qui n'est guère gros
Un bossi de croto rabinat Un morceau de croûton brulé,
Que les catous au graupinhat Que les petits chats ont griffé,
Et un capel de palha Et un chapeau de paille,
Que los ausselos n'au facha la gazailla. Dans lequel les petits oiseaux ont fait leur couvée

Après mes 13 ans, j'allais continuer mes études à Rodez ainsi que René. Pendant les vacances je revenais à la BARÈNE. C'est à mes premières grandes vacances que Michel est né. J'étais très heureuse d'avoir un petit frère. J'avais 14 ans et je jouais à la petite maman. Les dimanches après midi nous sortions avec la torpédo, souvent des visites aux tantes, oncles et cousins, ou on allait voir les travaux du barrage de Sarrans. Je me souviens aussi du paysage avant que l'eau du lac ne l'ait recouvert. Ou bien maman nous prenait dans la campagne, et elle nous apprenait les plantes comme autrefois son cousin lui avait appris en Normandie. L'Automne il y avait les champignons. J'avais de nombreuses amies au village. Nous sortions ensemble en vélo, quelques fêtes et des promenades, surtout lorsque je quittais Rodez après mon brevet élémentaire à 17 ans. J'avais été une bonne élève puisque cette année là on m'a attribué un séjour gratuit, à Lourdes, avec un groupe de jeunes, en récompense. Le séjour a duré 10 jours avec des excursions à Gavarnie, au pic du JER et surtout à Biarritz où j'ai découvert l'océan pour la première fois.

Je restais ensuite à la BARÈNE et tante Anaïs est repartie vivre avec Rosalie-Anaïs et a travaillé à l'épicerie. Je m'occupais alors de la maison, de mon petit frère, puisque maman était beaucoup dans les champs. Maman aimait coudre et m'enseignait la couture les après-midi d'hiver, entre les soins aux bêtes à l'étable. J'ai pris aussi quelques cours de couture au village.

Lorsque j'avais à peine 20 ans, la guerre de 39-40 a commencé. Gustou était marié avec Aimée Besson; ils avaient un bébé. Ils habitaient avec nous à la BARÈNE avec le petit Germain. Gustou est parti à la guerre. Il a pu revenir, via Dunkerque et l'Angleterre.La guerre s'est étirée pendant cinq ans avec son cortège de restrictions, de réfugiés, d'occupation par les Allemands. J'avais un vélo et avec Michel sur le porte bagage nous faisions ainsi quelques promenades. Heureusement en dehors des jeunes morts à la guerre, et des prisonniers, il n'y a pas eu de drame au village pendant l'occupation et mes deux frères sont rentrés.

Ils ont repris leurs occupations38. On a pu acheter un deuxième vélo et notre première grande sortie avec Michel a été une expédition de 6 jours aux Gorges du Tarn et à l'Aigoual. Nous n'avions pas beaucoup d'argent, aussi nous avons couché dans les granges, mangé sobrement39 (le lait de chêvre acheté à la ferme et l'eau des fontaines). Nous avons pris contact avec les gens. Nous nous sommes sentis un peu comme des pionniers car les gens étaient un peu étonné de nous voir voyager ainsi. A cette époque c'était peu courant, mais nous avons bien goûté à la liberté retrouvée et nous avons appris des choses nouvelles. Nous avons pendant la guerre avec mes amies joué des pièces de théatre. Le produit de nos soirées était destiné à envoyer des colis de nourriture aux prisonniers de guerre. Nous avons continué après la guerre et nous avons pu faire un voyage avec l'argent recueilli à nos soirées.

C'est alors qu'Albert Rouquier de Farrebique, Goutrens, qui avait été prisonnier de 1940 à 1945 en Bavière,40 est venu travailler comme ouvrier boulanger à Ste Geneviève. Nous nous sommes rencontrés en Juin 1949. Nous nous sommes mariés le 11 Octobre 1949 à Ste Geneviève sur Argence. Nous sommes partis le soir même prendre le train pour Paris où nous avons commencé notre voyage de Noces chez Gustou, ce qui nous a permis de visiter Paris. Nous avons continué notre voyage dans le Tarn et Garonne où nous avons retrouvé les oncles et les tantes de maman. Après nous avons été à Toulouse où Albert avait ses deux soeurs Darie et Maria. Elles étaient toutes les deux religieuses au service de l'évêché. A notre retour nous avons cherché une boulangerie pour travailler. A ce moment là, Albert me racontait sa vie de prisonnier de guerre. Maintenant tout cela est presque oublié. C'est à St Jean la Bussière dans le département du Rhône que nous avons trouvé notre première boulangerie. Ce village se trouve entre Thizy et Amplepuis. C'est un pays de tissage et nous avons appris à dormir au bruit des métiers à tisser. Des ateliers étaient sous nos fenêtres et les artisans se relayaient jour et nuit pour tisser. A St Jean, on faisait surtout des foulards

C'est à la maternité de Thizy qu'est né notre premier bébé, Gabriel, le 21 Septembre 1951. Il avait 7 ou 8 mois quand nous avons quitté St Jean. Nous sommes revenus dans l'Aveyron. Nous avons acheté un ancien batiment de ferme à Huparlac. Il a fallu recreuser le puit, transformer l'étable pour en faire un fournil et faire contruire le four. Pour le logement et la boutique nous avons aménagé avec des cloisons de planches la petite remise attenante.

Voici la maison avec la cheminée du four et la porte du garage. En avant la fontaine sur la place, où Gabriel a failli se noyer lorsqu'il avait 4 ans. C'est Claude Alazard 14 ans qui l'en a tiré.


Notre clientèle s'est faite rapidement. La boutique à Huparlac et les tournées dans les villages et fermes d'alentour nous procuraient un gros travail. Il y a eu des années bonnes et d'autres moins bonnes. Nous avons aménagé le rez de chaussée et le premier étage pour nous loger plus confortablement . Jean-Michel, Christiane et Dominique sont nés respectivement en 1955, 1960 et 1962.

C'est au moment où tout allait bien du coté du métier que l'asthme de Jean Michel et de Christiane a tout remis en question. L'asthme était provoqué par une allergie à la poussière de farine. Nous avons trouvé un gérant et nous sommes partis vers Rodez. D'Huparlac nous gardons le souvenir des sorties du dimanche après midi, dans la campagne pour satisfaire un grand besoin d'air pur pour tout le monde. Nous avons découvert l'Aubrac, Chaudes-Aigues, les Vallées d'Estaing et d'Entraygues, les gorges du Tarn et même le Puy Mary et le Plomb du Cantal, les lacs de la Truyère. Nous n'oublierons jamais non plus les tournées d'hiver dans la neige. Albert devait partir avec des pelles au cas où les congères de neige auraient coupé la trace des chasse-neige. La camionette était bien pratique aussi pour les sorties d'été. On pouvait y loger tout le monde, même le landau, le pique nique du soir. On rentrait au milieu de la nuit. Les enfants dormaient et nous pouvions parler tranquilement. Le lundi Albert ne travaillait pas. Les autres jours il se levait vers 4 heures du matin pour travailler la pâte qu'il avait pétrie le soir avant de se coucher


Albert Rouquier et Jeannette Turland

Le village de bayrischzell où Albert était prisonnier de guerre

Albert en promenade dans les montagnes de Bavière

Albert avec un camarade

Albert avec deux enfants d'une ferme de bayrischzell où il travaillait

Mariage de Albert et Jeannette, a Ste Geneviève, le 11 Octobre 1949

St Jean la Bussière

Communion Solennelle de Gabriel en Juin 1963.

Albert et ses quatres enfants en promenade

Tournée du pain héroïque au milieu des congères de l'Aubrac

Albert au fournil d'Huparlac

Jeannette à la boutique

Dominique sur la route des Attizals

Adieu pétrin, adieu boutique, en arrivant à Rodez Albert a trouvé du travail à l'usine qu'on appelait alors Cantarane et qui est maintenant devenue l'usine Bosch. Nous avons habité à la maison des Attizals près du Monastère sous Rodez. Peu de temps après notre arrivée à Rodez, mon père Jean Auguste est mort. Nous avons passé notre premier hiver aux Attizals mais il faisait si froid au bord de l'Aveyron que nous avons cherché un autre logement.

L'automne suivant, nous avons trouvé un appartement de quatre pièces en bas de la rue de Montcalm. L'appartement était moderne, bien chauffé, au troisième étage avec un petit balcon. Nous y sommes restés quatre ans. Les écoles étaient proches et les problèmes d'asthme avaient disparu. C'est alors que nos gérants d'Huparlac ont demandé à acheter notre boulangerie. Nous la leur avons vendue. Pour utiliser cet argent, Albert a décidé de chercher une maison dans Rodez.

Nous avons acheté une maison, 7 Rue Gayrard près de la place de la Madeleine. Elle était dans le centre ville. C'était bien pratique pour la vie de tous les jours. Les magasins et les écoles étaient à proximité. C'était en 1966. Cette maison avait de grandes dépendances. Nous pensions bien en profiter pour monter une petite fabrique de fouaces. Albert a acheté un petit four électrique et a commencé de faire un essai tout en continuant de travailler comme ouvrier. Cet essai a été concluant. Il a décidé au bout d'un an d'arrêter son travail en usine. Ensuite il a acheté un four plus grand et la fabrication en gros a démarré. Nous avions une certaine inquiétude à cause des poussières de farine. Mais comme nous habitions deux étages au-dessus, tout s'est bien passé pour la santé. Il livrait sa fabrication dans les magasins de Rodez41 et même quelque temps à Decazeville et Villefranche.

Ma maman Germaine quelque temps après la mort de papa est venue habiter avec nous. Elle est restée avec nous une dizaine d'années, partageant la vie de famille. Elle est restée valide jusqu'à sa mort, le 7 Janvier 1978.

Nous avions déjà prévu où passer notre retraite qui approchait. Nous avions commencé la construction d'une maison à St Christophe-Vallon. Nous avons fait beaucoup de travaux nous mêmes. Les après midi, quand il n'y avait pas de gâteaux à livrer, nous venions travailler à la maison. Maman nous accompagnait quelquefois. Après avoir réparé la maison de Rodez pour pouvoir la louer nous sommes venus habiter le lotissement «Les Bruyères» à St Christophe-Vallon aux Pâques 1980..

Rue de Montcalm

La rue Gayrard vue de notre balcon

Albert ,avant de quitter Rodez, les derniers temps de travail dans le laboratoire de pâtisserie, 7 rue Gayrard

La maison de St Christophe en 1977

Depuis Albert va à la pêche et jardine. Jeannette fait pousser des fleurs, coud et tricote. Quelquefois elle s'essaie à la peinture. Tout deux, ensemble font quelques voyages et tant d'autres choses encore qui ne peuvent entrer dans ce livre



notes

  1. Murielle et Christophe.
  2. rédigé par Michel Turland
  3. On dit « confites », en fait en occitan on dit « coufidos ».
  4. L'orthographe correcte est BARÈNE. C'est ainsi qu'elle figure officiellement sur le Cadastre et les diverses cartes. On peut traduire par le français VARENNE liés à des terrains peu fertiles, sableux (à l'origine -prélatine- grèves en marge des rivières, friches, ..)
  5. En patois de Laguiole, on prononce trèbò, et trèba en occitan « standard ».
  6. Le chateau du Mas, du XVIII-XIXe, n'est pas un ancien chateau fort. Sur le sommet voisin, un gros tumulus à blocs, « lo Tòurré del Mas » pourrait être l'ancien chateau fort.
  7. En fait quand Auguste mourût, Jean Auguste faisait son service militaire (3 ans) au 27ème chasseur alpins à Menton. Il m'a raconté qu'il était venu en catastrophe, faisant les 50 km d'Espalion (terminus du train) à Ste Geneviève à pied dans la nuit.. pour arriver bien tard.
  8. Il faudrait parler des époux FERRIÉ qui pendant de longues années (avant la guerre) ont travaillé et habité à la Barène. Il y avait, au dessus de la pièce qui se trouve à droite en rentrant, un petit appartement où ils habitaient. Ensuite, jusqu'en 1948, il y a eu le père BES.
  9. Je me souviens qu'elle avait alors organisée sa succession dans le détail; y compris les objets souvenirs, gardant jusqu'au bout sa dignité et son autorité naturelle, dans la sérénité de sa foi.
  10. Il y avait un instituteur remarquable, Mr PEGORIER (père de Marie Pegorier qui a tenu l'harmonium à Ste Geneviève jusqu'après la guerre).
  11. Dans nos campagnes, l'étude était effective de novembre à mai pour les petits paysans.
  12. Bougnats: précisemment commerce de vins et charbons.
  13. »Aux Rendez-vous des Employés de l'Etat » (la compagnie de chemin de fer de l'Etat, qui desservait l'Ouest de la France).
  14. L'auteur de ces notes de bas de page.
  15. La SEQUANAISE, aujourd'hui l'UAP.
  16. Il affectionnait particulièrement le répertoire « Comique troupier » et excellait dans les monologues.
  17. C'était un amateur d'antiquités, de meubles anciens, de serrures, dont quelques pièces sont restées dans la famille. Il y avait encore à la Barène, une grosse malle de marin qui lui appartenait.
  18. A l'époque, on a parlé de « phtisie galopante ».
  19. Quand on regarde la maison d'en dessous, (Ouest), l'étable est à droite. Pour éviter toute ambiguité mettons au Sud Est. Elle était à gauche en sortant de la maison.
  20. L'habitude était que trois jours après la naissance, la nourrice venait chercher le bébé pour l'élever au pays.
  21. Autre oeuvre de Gustave Eiffel construite pour l'Exposition, comme la Tour, mais qui fut démontée ensuite.
  22. A la demande de Jeannette, j'ai écrit ce que je me rappelle des récits de ma mère concernant son séjour en Normandie, puis à la Vigne, en intégrant et complétant le texte de Jeannette. (Michel Turland)
  23. Bien plus tard, pour René en particulier, elle résolvait des problèmes ardus d'arithmétique, mentalement, sans quitter sa cuisinière...)
  24. Phonétiquement on est coincé. La phonétique du français n'est guère applicable: ça donne ò ou ri ò ou.
  25. C'est cette année là (ou 1912?) que les premiers géomètres vinrent « explorer » le site de la future centrale hydroélectrique de Brommat.
  26. Ses parents souhaitaient qu'elle se marie bientôt. Mais elle rejette catégoriquement le premier prétendant qu'on lui présente, vers 16ans.
  27. D'un bleu-gris, très clair en fait.
  28. Les travaux ont duré de 1928 à 1933. L'inauguration par le président Albert Lebrun a eu lieu en 1933 (Juin?). Source: M Galerand, chef d'usine EDF du Brezou (Brommat) 29-10-96.
  29. Moi, j'avais un petit homme, moi j'avais un petit homme, je peux bien le dire (bis)
    Moi, j'avais un petit homme, je peux bien dire qu'il est petit.
  30. Avec un pan de toile, je lui ai fait six chemises
    et encore un chemisou (petite chemise).
    Avec une queue de cerise, je lui ai fait six chaises,
    et encore un « cadieïrou » (petite chaise).
  31. Si rien plus ne vois
    Rattrape-toi avec les pois.
  32. ou bien: « qui font hou! hou! hou! »
  33. L'eau bouillie, sauve la vie, gâte le pain,
    Passe par le ventre et rien n'y fait (est sans effet).
    (l'aiga bulida est une soupe faite avec de l'eau et des oignons frits.)
  34. Chasse le loup, petite, chasse le loup (bis)
    Chasse le loup, qui te guette, qui te guette,
    Chasse le loup qui te guette l'agnelet.

    Chasse le chat, petite, chasse le chat (bis)
    Chasse le chat, qui te guette, qui te guette,
    Chasse le chat qui te guette le lait caillé.
  35. Coquin de sort, les pantalons sont troués et la chemise sort!
  36. Phonétique: Soulillou, roudillou.
  37. salli: dérivé de la « saie » des gaulois (comme los brágos » (pantalons) est dérivé de la « braie » gauloise). Terme d'usage courant. Mais quel est sa traduction précise? gilet, paletot, pelerine ... ? Rien dans TOURNIER (Quercy).
    Saie: manteau court en laine, vêtement militaire des Romains et des Gaulois, que l'on attachait sur les épaules au moyen d'une broche (Larousse).
  38. à la centrale hydro-électrique de Sarrans (SFMT, puis EDF après les nationalisations)
  39. Un peu plus quand même!
  40. Il est resté assez longtemps dans une ferme à BAYRISCHZELL, une station alpine, près de Garmisch Partenkirchen, près de la frontière avec l'Autriche.
  41. Des magasins de détail , mais aussi des grandes surfaces comme Conforama.